Depuis son enfance chez les prêtres jusqu'à son séjour en institut psychiatrique, la vie de l'acteur et metteur en scène italien Pippo Delbono a été une série d'épreuves. De longs et douloureux combats. Contre la pédophilie, l'alcool, la drogue, la dépendance sexuelle et affective, la maladie (le VIH), la folie... Heureusement, le théâtre l'a aidé à mettre un peu de baume sur ses blessures.

Pippo Delbono est à Montréal ce soir et demain pour présenter un spectacle-conférence qui fait la synthèse de tout cela. L'acteur se met à nu devant nous. Il raconte sa vie, assis à table avec un micro et une bouteille d'eau, sans aucun artifice scénique, pas même un jeu d'éclairage. C'est le degré zéro de la mise en scène.

Il y a quelques longueurs (quand il se lève pour fixer son micro; quand il le dépose sur la table ou se verse de l'eau). Et aussi des malaises (son souffle court qui résonne dans la salle, son gros ventre, gonflé par les médicaments, qu'il expose). Mais on passe par-dessus. Car Pippo Delbono représente la vie et rien d'autre. Et la vie, c'est aussi ces choses pas trop belles qu'on aimerait ne pas montrer aux autres.

Or lui, il montre tout. Parce que «l'art naît d'un manque, d'une blessure». Et il nous cite Henry V, la pièce de Shakespeare sur le roi combattant et conquérant. Ou encore des extraits de Sarah Kane, de Pasolini - deux artistes, parmi tant d'autres, à la recherche d'amours perdues. Il nous parle de ses complices et amis avec qui il joue en Europe: Gianluca, le trisomique; Bobo, le sourd-muet, entre autres marginaux qui lui ont fait «redécouvrir le monde».

Au final, Récits de juin est un éloge de la marginalité. Homosexuel, communiste et bouddhiste dans une Italie catholique, machiste et de droite, Pippo Delbono a toujours vécu dans la marge. Il en a souffert: aux funérailles de son premier amour, mort d'un accident de moto, il ne pouvait partager sa peine; car leur relation était inconnue de sa famille et de ses proches...

Aujourd'hui, ses batailles sont derrière lui. Après avoir descendu au plus bas, Delbono a retrouvé la force de se confier et de créer. Grâce à ces marginaux et ces poètes incompris qui l'ont éclairé, telle une lumière dans la nuit obscure. Comme disait René Char: «La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.»

Récits de juin, de et avec Pippo Delbono (en français avec des passages en italien), à l'Usine C, jusqu'au 29 octobre.