Ce n'est pas tous les jours que le politique se fraie un chemin jusque sur nos scènes de théâtre. Le politique dans le sens large, qui nous renvoie à notre actualité, mais aussi aux principes qui nous guident dans la vie de tous les jours. À nos croyances, à nos convictions, à notre capacité à nous indigner aussi.

Les trois textes de Patrice Desbiens, Pierre Lefebvre et Dominic Champagne, qui composent ces «courtes pièces sur l'air du temps», se nourrissent d'une réflexion sur le Québec d'aujourd'hui, profondément individualiste, mais aussi sur notre place dans une société menée par les financiers et les banques.

Les thèmes ne sont pas nouveaux, mais les trois textes ont le mérite d'aborder de front des questions essentielles que notre plat quotidien se charge d'éluder. Des questions qui nous sortent de notre zone de confort et nous amènent à faire le point sur ce que nous sommes devenus en tant que collectivité.

Tout ça m'assassine fait clairement le constat d'échec de notre capacité à mettre de l'avant des projets collectifs ou à nous mobiliser pour des causes communes.

N'allez pas croire qu'il s'agit d'une pièce d'«affaires publiques». Nous sommes bel et bien au théâtre, avec des personnages singuliers, parfois improbables. La mise en scène de Dominic Champagne, campée dans une sorte de saloon - qui se transforme aussi en autoroute - laisse toute la place aux acteurs, qui livrent ici toute une performance.

Les quatre tableaux sont magnifiquement enrobés par la musique et les effets sonores de Charles Imbeau et d'Éric Asswad, qui se chargent de lier toutes les scènes entre elles. Sans eux, le spectacle n'aurait tout simplement pas été le même. Ils créent chaque fois la bonne ambiance pour nous faire avaler «la pilule» de notre faillite.

Pièce «éditoriale»

La suite poétique de Patrice Desbiens, interprétée par Sylvain Marcel avec la participation de Julie Castonguay, est peut-être le plus opaque des trois textes. Même s'il fait des détours parfois tortueux, il illustre parfaitement notre monde de désillusions, en perte d'humanité.

Alexis Martin, lui, joue le rôle d'un intellectuel blasé dans un monologue percutant de Pierre Lefebvre qui lui va comme un gant (Confession d'un cassé). Tantôt assis dans son fauteuil, tantôt debout à faire quelques steppettes, le pauvre n'accorde aucune importance à l'argent, à son confort, aux biens matériels. Savoureux!

Antoine Bertrand et Mario St-Amand mettent un point final à cette pièce «éditoriale» en interprétant les rôles d'un optimiste et d'un pessimiste dans une lecture très personnelle de l'histoire du Québec, telle qu'imaginée par Dominic Champagne (La déroute). À la fois tristes et hilarants, les deux comédiens, qui s'en vont à pied aux funérailles de René Lévesque, font la démonstration de leur immense talent.

Il est vrai que cette histoire qui s'attarde sur la mort de René Lévesque, symbole de la fin du rêve souverainiste, est un brin nostalgique. On peut se demander si l'évocation de l'ex-politicien peut réellement inspirer le Québécois d'aujourd'hui, métissé ou immigrant, à initier un quelconque projet collectif. Malgré ces doutes, Tout ça m'assassine a le mérite de provoquer une discussion. Ce qui est déjà pas mal.

Tout ça m'assassine, jusqu'au 15 octobre à la Cinquième Salle de la PdA.