À écouter les deux artistes français Valérie Puech et Sébastien Bertrand, on se dit qu'Einstein avait raison de dire que Dieu ne joue pas aux dés. Ensemble, ils présentent un programme double au Théâtre Outremont.

La genèse de leur collaboration est un enchevêtrement de rencontres... déterminantes. Avec, au centre, comme un trait d'union, le conteur et comédien français Yannick Jaulin. Ce Michel Faubert vendéen, ami d'enfance de Sébastien Bertrand, jouait il y a trois ans dans la pièce Forêts, de Wajdi Mouawad. Valérie Puech, elle, travaillait comme assistante à la mise en scène sur la production française. Elle-même avait connu Mouawad à Montréal au milieu des années 90.

Après avoir vu Forêts, Sébastien Bertrand s'est interrogé sur ses propres liens de sang. Né au Liban sous le nom de Vincent Bouchara, ce Français d'adoption a ressenti pour la première fois le besoin de revenir aux sources de son existence. Avec son ami Yannick, qui ignorait ce petit «détail» de sa vie, il est parti à Beyrouth pour participer à un festival de conte. Il en a profité pour visiter l'orphelinat où il a vécu durant les neuf premiers mois de sa vie, avant de prendre l'avion pour... Saint-Jean-de-Monts.

Un an plus tard, à Avignon, Sébastien Bertrand jouait son propre personnage dans un spectacle musical écrit par Yannick Jaulin et mis en scène par Valérie Puech. Seul sur scène avec son accordéon, il faisait le récit de ses origines. C'est ce spectacle, présenté environ 150 fois depuis, en France et au Liban, qui débarque à Montréal le temps de six représentations. Sébastien Bertrand a composé la musique et raconte son histoire, avec les mots de son ami.

Cette incursion dans le monde du théâtre pourrait être la seule du musicien vendéen d'origine libanaise. Peu importe, cela aura valu la peine. «Aujourd'hui, je me sens apaisé», explique celui qui joue notamment pour le groupe de musique traditionnelle vendéen Sloï et qui a joué ici avec Jocelyn Bérubé et Michel Faubert. Depuis l'aboutissement de ce projet artistique, Sébastien Bertrand est retourné plusieurs fois au Liban. Dont deux fois avec sa famille adoptive. «Notre relation a changé, avoue-t-il. Même si j'ai toujours reçu beaucoup d'amour, les masques sont tombés.»

Le baiser

Ce n'est pas un hasard si Valérie Puech a décidé de présenter sa pièce Le baiser en première partie du Chemin de la belle étoile, dont elle signe la mise en scène. La forme y est similaire. Il s'agit d'un monologue sur tous ces baisers qu'on a reçus, ou non. Son point de départ: un livre de Boris Cyrulnik (Sous le signe du lien), qui estime que les petites filles sont plus souvent «embrassées» que les garçons, et que cela a un effet direct sur leur développement cognitif.

Créé en Bretagne à la fin de 2009, Le baiser met en scène un personnage appelé Pluie, qui attend le coup de fil de son amoureux. L'attente de cet appel est le prétexte pour nous entretenir (nous, le public) de tous ces baisers qui ont compté pour elle ou alors qu'elle a attendus en vain. «Je crois que nous sommes constitués de la somme de nos baisers, nous dit Valérie Puech. En tout cas, nous sommes tous nés d'un baiser. Je trouvais ça important de parler de nos rapports affectifs sous cet angle.»

Pour mener à bien l'écriture de ce premier texte de théâtre, l'auteure et comédienne (qui a habité trois ans à Montréal) s'est inspirée de sa propre enfance, mais aussi de l'expérience de monsieur et madame Tout-le-Monde. Avec Yannick Jaulin, elle a organisé des «chantiers publics», où les gens pouvaient raconter leurs tranches de vie affective liées à ces baisers. Le spectacle a été créé à partir de tous ces récits.

«Dans les deux pièces, on parle de l'amour reçu, explique Valérie Puech. C'est une prise de parole de deux personnages auxquels tout le monde peut s'identifier.»

Soirée double au Théâtre Outremont jusqu'à dimanche. À 20h.