La grande salle du Théâtre Jean-Duceppe était pleine jeudi soir dernier pour ce Match, qui a ouvert la 20e saison de son directeur artistique, Michel Dumont.

Malgré des réserves quant au jeu de certains acteurs, Michel Poirier signe ici une mise en scène précise et imaginative, tout en relevant le défi d'occuper tout l'espace scénique transformé pour l'occasion en appartement new-yorkais, dans un décor parfaitement réaliste.

L'histoire tient en quelques lignes. Un jeune couple, Mike et Lisa, sollicite un ex-danseur et chorégraphe-étoile, Tobi Powell, pour une entrevue. Sous prétexte qu'elle (Lisa) rédige une thèse sur l'avenir de la danse contemporaine.

Mais l'entrevue vire rapidement à l'interrogatoire. Et dérive sur les habitudes (bi)sexuelles du vieil homme dans les années 50. Acculé au pied du mur, l'exubérant sexagénaire se rend compte des motifs véritables de cette visite.

Lalonde brille, les autres moins

Le rôle de Tobi semble avoir été écrit spécifiquement pour Robert Lalonde, qui porte littéralement la pièce sur ses épaules. Avec grâce, gravité et humour. Même son physique évoque l'ancienne gloire du danseur élancé. À la fois viril et efféminé.

Malgré quelques tics de langage et de langue (qui balaie continuellement l'intérieur de sa bouche), le comédien déploie une énergie et une sensibilité extraordinaires pour camper cet homme seul, qui a fui ses responsabilités pour se consacrer à sa carrière.

Sa présence immense sur scène nous fait apprécier toutes les variantes du texte de l'Américain Stephen Belber (The Laramie Project), qui commence lentement, mais débouche sur des avenues assez intéressantes. Du début à la fin de cette intrigue familiale, Robert Lalonde se fond à son personnage égoïste mais repentant.

Marie-Chantal Perron et Alexandre Goyette n'ont pas la même subtilité de jeu que leur aîné. Durant la première partie de la pièce, le couple nous donne beaucoup trop d'indices sur ses intentions véritables. De façon assez maladroite, d'ailleurs.

Une fois le chat sorti du sac, le couple fait dans l'excès. D'abord lui, dans son interprétation d'une brute homophobe et colérique. Ses agressions verbales sont à peine crédibles. Nous sommes bien sûr au théâtre, mais la rage du fils, sans nuances, ne parvient pas tout simplement pas à nous émouvoir.

Pareil pour le personnage de Lisa, complice de son homme et instigatrice de leur projet «machiavélique», qui retourne sa veste contre lui. Ses airs, affecté et triste, ne sont guère plus crédibles. Ses épanchements et son admiration pour le chorégraphe relèvent de l'improbable.

Survient ensuite l'invraisemblable. En l'espace de quelques secondes, le personnage de Mike s'adoucit. Fini les sentiments homophobes, fini l'homme violent, quasi psychotique. Monsieur a pris ses pilules et l'histoire fait un virage à 180 degrés. C'est pourtant dans cette volte-face déroutante qu'Alexandre Goyette montre tout son talent, puisqu'il se met à jouer subtilement.

La dernière tirade de Tobi, qui met fin à l'histoire, est assez poignante. On aurait quand même préféré qu'il s'adresse directement au personnage par qui le récit se dénoue. Michel Poirier a plutôt décidé que Tobi ferait face au public. Peu importe. Les mots font leur chemin. Ce qui est déjà pas mal considérant l'énormité du tableau peint.

Match, au Théâtre Jean-Duceppe jusqu'au 15 octobre.