Grand rendez-vous annuel du théâtre, le Festival d'Avignon, dans le sud de la France, lance mercredi son édition 2011, largement ouverte sur la danse avec, au premier jour, une chorégraphie conçue pour des adultes, mais adaptée pour des enfants, et une comédie grinçante écrite sous Staline.

Sur les 35 grands spectacles annoncés à Avignon, le festival se targue de présenter 22 créations, dont 15 conçues spécialement pour cette manifestation qui se déroulera du 6 au 26 juillet.

Seize enfants âgés de 6 à 11 ans sont au coeur de Petit projet de la matière, d'après une chorégraphie d'Odile Duboc et Françoise Michel, Projet de la matière, adaptée par Anne-Karine Lescop.

Tout, dans cette chorégraphie ludique, a été adapté à la taille des enfants d'une école du quartier difficile de Monclar à Avignon où doit être implantée d'ici 2013 une salle de répétition et des logements d'artistes.

Créé en 1993, le projet est né de la rencontre de danseurs avec les créations tactiles de la plasticienne Marie-José Pillet, et de l'exploration de la mémoire sensorielle de cette expérience.

«Cette aventure a été tellement forte que j'ai pensé qu'il y avait une possibilité d'en imaginer une nouvelle», raconte la danseuse Anne-Karine Lescop. Elle décide d'adapter cette oeuvre originale pour des enfants.

«Les enfants comprennent très bien le processus de la création», dit-elle. «La difficulté réside plus dans le passage des moments, sur l'instant superbe, d'improvisation aux moments d'écriture (...) où il faut retrouver la matière de la danse, les qualités et ce qui fait que cette danse a émergé».

Autre ton, avec Le suicidé de Patrick Pineau, le soir dans la carrière de Boulbon, une falaise blanche en pleine garrigue découverte par le metteur en scène Peter Brook, et devenue une seconde Cour d'honneur pour le Festival.

Cette comédie russe grinçante fut écrite par Nicolaï Erdman, sous Staline, et censurée tandis que son auteur, arrêté à plusieurs reprises et exilé hors de Moscou, renonçait à l'écriture théâtrale.

Le metteur en scène Patrick Pineau, qui interprète le rôle-titre, s'entoure de sa troupe, «ses comédiens-amis», dans cette pièce où un événement infime de la vie quotidienne, «une irrépressible fringale nocturne», peut «mener un pauvre affamé jusqu'aux frontières de la mort».

«Machine théâtrale infernale», la pièce est autant une comédie de moeurs, une interrogation sur la mort que la dénonciation d'une société totalitaire.

Elle est «un tourbillon de folie qui part de la réalité pour aller vers le jeu» selon Patrick Pineau.

Autre interrogation sur l'histoire, donnée dès le premier soir, la pièce Jan Karski (Mon nom est une fiction) inspiré du roman de Yannick Haenel, Jan Karski, ce résistant polonais, catholique, qui témoigna, en vain, de la tragédie du ghetto de Varsovie pendant la guerre.

Intéressé par «la personnalité hors du commun de Jan Karski», qui a témoigné dans le film de Claude Lanzmann Shoah, le metteur en scène Arthur Nauzyciel s'est aussi passionné pour les propos prêtés à Karski dans le roman.

Accompagné notamment par le plasticien polonais, Miroslaw Balka, le metteur en scène préserve ainsi les trois temps du roman: la parole filmée, l'autobiographie de Jan Karski et l'imaginaire du romancier qui fait parler le héros au présent.

Car, dit-il, «dans la colère, l'épuisement, le martèlement de Jan Karski, présents dans la troisième partie du roman, je me reconnais totalement».

Selon lui, cette partie «pose, sans détour, le problème de l'abandon dans lequel on a laissé des millions d'individus face à l'extermination nazie».