La fameuse remorque de La Roulotte est en pleine mutation en vue de sa tournée estivale des parcs montréalais. Après Le magicien d'Oz, adaptée et mise en scène par Félix Beaulieu-Duchesneau l'an dernier, le théâtre ambulant fondé par Paul Buissonneau se transformera (entre autres) en atelier pour la présentation de Pinocchio. Dans une mise en scène d'Hugo Bélanger.

Habituellement, les metteurs en scène recrutés par la Ville de Montréal s'associent à La Roulotte durant deux saisons. Mais le comédien et metteur en scène, Félix Beaulieu-Duchesneau, a dû passer son tour. C'est donc Hugo Bélanger qui a pris le relais, lui qui avait relevé le défi en 2005 et 2006 avec Le baron de Münchhausen et Alice au pays des merveilles, deux pièces qui ont depuis été représentées en salle dans de nouvelles versions.

Le comédien et metteur en scène, familier du théâtre de rue, qui a notamment travaillé avec les Sages fous (théâtre forain avec marionnettes géantes), a toujours vanté l'esprit de La Roulotte, dont l'objectif de départ était de rendre la culture accessible. «Pour moi, La Roulotte est une institution aussi importante que le TNM, estime Hugo Bélanger. Ce n'est pas parce qu'on s'adresse à des enfants et que le spectacle est gratuit que c'est moins important. Au contraire. Les comédiens font un travail social qui a beaucoup de valeur, qui favorise la démocratisation de la culture.»

On pourrait rajouter très formateur aussi, puisque les interprètes sont toujours des finissants de l'École nationale de théâtre et du Conservatoire d'art dramatique. «C'est l'école après l'école, croit Hugo Bélanger, qui aurait aimé participer à l'aventure comme comédien. Mais il faut une bonne dose d'humilité, dit-il, parce qu'il y a toujours des jeunes qui se lèvent au milieu du show et qui s'en vont ou alors qui disent à voix haute que c'est plate...»

Il faut dire que les jeunes diplômés jouent dans des conditions assez extrêmes. Hormis les aléas du temps, les contraintes sont importantes lorsqu'on joue dehors. «Pensez seulement qu'il n'y a pas d'éclairages, précise le metteur en scène. Pas moyen d'attirer le regard sur un personnage. Je dis toujours aux comédiens qu'un écureuil ou un avion sera toujours plus intéressant qu'eux... On doit établir un contact visuel avec le public, ne jamais lui tourner le dos. Il y a une obligation de clarté dans le texte, le jeu et la mise en scène. Il y a un contraste énorme entre le petit espace de jeu et le grand espace dans lequel on joue.»

Le passage à l'âge adulte

Mais venons-en au coeur du sujet: Pinocchio. Un conte écrit par l'Italien Carlo Collodi à partir de 1881, publié sous forme de feuilleton dans un journal pour enfants durant près de deux ans. Comme pour tous ses projets, Hugo Bélanger a multiplié les recherches, lu et vu de nombreuses adaptations de la célèbre marionnette de bois. «C'est un conte formidable sur le passage à l'âge adulte, dit-il. Il y a chez l'enfant un désir anarchique de liberté qui est formidable, mais qui doit être encadré. J'ai essayé d'être fidèle au roman-feuilleton, où Pinocchio est beaucoup moins naïf que dans l'adaptation épurée de Disney.»

Hugo Bélanger a tout de même tenu compte de la version de Disney, connue de tous, et conservé les personnages principaux du récit: le géniteur de Pinocchio, Gepeto; le renard et le chat qui tentent de le détourner de son chemin; le méchant directeur du théâtre de marionnettes, qui l'emprisonne; et bien sûr le grillon parlant, qui est la conscience du petit garçon et qui le sort toujours du pétrin...

«Ce que je trouve intéressant dans la version de Collodi, c'est que Pinocchio est plus délinquant, plus baveux, plus tannant, à l'image des enfants. Comme eux, il est très égoïste. Petit à petit, il fait son apprentissage de la vie, il devient un citoyen. Lorsqu'il part à la recherche de son père, avalé par un poisson, et qu'il fait tout pour le sauver, c'est qu'il fait quelque chose pour les autres. Dans la version de Disney, c'est la fée bleue qui le transforme en bon garçon à la fin. J'ai préféré montrer que s'il est devenu un bon garçon, c'est parce qu'il a appris de ses erreurs et qu'il a travaillé. Pas par magie, grâce à sa volonté.»

Les cinq interprètes joueront avec masques et marionnettes. Kim Despatis, qui défendra le rôle de Pinocchio, manipulera une marionnette, mais elle incarnera aussi le personnage. Pareil pour le grillon, joué par Maxime Béliveau, tandis que le renard et le chat (Simon Labelle-Ouimet et Sarah Laurendeau) seront masqués. Simon Lacroix interprétera les autres personnages (Gepeto, le directeur du théâtre et le gentil monsieur du pays des jouets).

Pinocchio n'a été présenté qu'une seule fois par La Roulotte, qui privilégie les contes. C'était en 1957. Une autre bonne raison pour Hugo Bélanger de remettre au goût du jour le célèbre petit bonhomme en bois, dont le nez s'allonge lorsqu'il raconte des mensonges. «Si l'on revient au récit d'origine, on se rend compte que sans être moralisateur, il y a une vraie leçon de vie dans Pinocchio, dans son passage à l'âge adulte et dans son rapport à la société, comme citoyen. Dans ce sens-là, c'est un conte indémodable.»

Du 28 juin au 23 août. Les représentations sont annulées en cas de pluie. Pour consulter l'horaire de l'été: www.accesculture.com/activite/Pinocchio.