Exit l'imposant dispositif scénique déployé sur la scène du Théâtre Jean-Duceppe lors de la création de 1998. Le chemin des passes dangereuses, de Michel Marc Bouchard, prend la direction du Bain Saint-Michel, dans un dénuement qui laisse toute la place au texte, mais qui met aussi en danger les comédiens.

Le lieu n'a pas été choisi par hasard par les jeunes acteurs du Théâtre Le Mimésis, qui ont confié la mise en scène à Michel-Maxime Legault (Kick, Rhapsodie-Béton). Le huis clos des trois frères imaginé par l'auteur se passe après leur mort, à la suite d'une tragédie routière - représentée au centre par un amas de tôle.

Petit à petit se déploie le récit familial, au coeur duquel se trouve un père poète-alcoolique qui inspire la honte à ses enfants, malgré tout l'amour qu'il leur porte (à sa façon). Cette réunion fraternelle tardive prend ainsi la forme d'un post-mortem (au sens littéral), avec cette franchise qui libère autant qu'elle lacère les personnages.

L'idée de jouer dans le fond de cet ancien bain public du Mile End se défend parfaitement. Comment, en effet, bien représenter le bref passage qui nous mène de la vie à la mort? Ce tunnel étroit qui nous aspire vers l'au-delà ou l'en-deçà? Non, l'endroit est idéal; les répliques des personnages s'enveloppent dans un écho qui contribue également à créer cet espace intemporel.

Mais ce choix-là n'est pas sans risques. Car en même temps qu'on nous représente ce non-lieu très évocateur, nos trois frères nous semblent bien loin du pourtour du bassin où nous sommes assis. Et le plongeon dans ces confidences, qui nous permettent de reconstituer les événements, ne se fait pas toujours naturellement.

Durant près des deux tiers de la pièce, le tête-à-tête désincarné entre les deux frères, Ambroise (le marchand d'art homosexuel) et Carl (le benjamin qui travaille dans un Costco), n'est pas convaincant. Est-ce dû justement à la grandeur du bassin qui empêche les émotions de «monter»? Yves-Antoine Rivest et Louis-Philippe Tremblay maîtrisent bien le texte de l'auteur, mais regardent trop souvent dans le vide ou alors nous tournent le dos.

Il faut attendre l'arrivée du troisième frère, Victor, responsable de l'accident, pour que s'installe une véritable dynamique entre les trois personnages, qui sont alors au mieux de leur forme. Guillaume Regaudie insuffle une véritable énergie à la fratrie. Il faut dire que c'est à ce moment-là que se dénoue l'intrigue entourant la mort du père des garçons, survenue 15 ans plus tôt, et que s'éclaircissent les circonstances entourant l'accident des trois frères.

La mise en scène minimaliste de Michel-Maxime Legault sert bien le texte de Michel Marc Bouchard. Mais la qualité inégale des échanges emprisonnés dans le fond du bassin ne permet pas à la tragédie de «décoller». Durant le dernier tiers, heureusement, les déplacements des comédiens nous apparaissent plus fluides, les sentiments se précisent... mais c'est un peu tard.

Jusqu'au 27 mai au Bain Saint-Michel.