Les Roms disent «l'école», mais ce n'en est pas vraiment une. Il s'agit plutôt d'un centre communautaire axé entre autres sur l'aide aux devoirs, qui offre aussi des ateliers culturels et des conseils santé. «C'est un lieu de convergence pour la communauté rom du quartier et de toute la région de Nis», fait valoir sa directrice, Anita Kurtic.

Ce qui frappe lorsqu'on met le pied dans ce petit établissement situé à proximité du plus ancien mahala (ghetto rom) de Nis, dans le sud de la Serbie, c'est l'atmosphère chaleureuse qui y règne. Les murs du couloir sont couverts de dessins colorés. Les enfants affichent de grands sourires, alors que leurs aînés accueillent les étrangers avec quelques mots d'anglais.

Quelques adolescents qui fréquentent ce centre communautaire participent à GRUBB, comédie musicale dirigée par Serge Denoncourt, à titre de compositeurs ou de musiciens. Sa fondatrice, Refika Mustafic, avait toutefois un objectif bien plus terre à terre lorsqu'elle en a jeté les bases, il y a une dizaine d'années: elle voulait contribuer à briser le cercle vicieux de la pauvreté et de l'ignorance.

Aujourd'hui comme hier, l'école n'est pas une priorité pour bien des familles roms. «L'éducation est un long processus et les Roms n'investissent pas dans l'avenir. Ils n'en ont ni le temps ni le loisir, ils sont constamment rattrapés par la vraie vie, explique-t-elle. Ils ont besoin des enfants pour travailler avec eux ou s'occuper des plus jeunes.»

En Europe, la moitié des enfants roms ne terminent pas l'école primaire. En Serbie, la proportion serait aussi élevée que 80%, selon Anita Kurtic. «Aller à l'école, ce n'est pas rom, disait mon grand-père», raconte Nenad Vadisaviljev, sociologue qui fait partie des rares membres de sa communauté à posséder un diplôme universitaire.

La culture rom n'explique pas seule ce décrochage massif. La discrimination est aussi solidement implantée dans le système scolaire serbe, affirment plusieurs intervenants. En plus des railleries et de la violence de leurs confrères de classe, les écoliers roms se retrouveraient devant des enseignants qui ne croient pas en leurs capacités. Sans compter que des enfants sains d'esprit sont redirigés vers des écoles dites «spéciales».

«Ces écoles sont faites pour les handicapés mentaux et on y trouve parfois jusqu'à 90% de Roms. Et 90% d'entre eux ne présentent aucun retard intellectuel», expose Danilo Matijevic, coordonnateur de l'organisation non gouvernementale britannique RPOINT en Serbie. Ibrahim «Bibi» Gasi, chanteur principal de GRUBB, fait partie de ceux qui ont subi ce préjudice. Cela l'a incité à quitter l'école avant de terminer son primaire.

Ce faible taux de scolarisation a un autre impact très net, selon Refika Mustafic: «Les enfants serbes ont quelqu'un à la maison pour les aider à faire leurs devoirs. Pas les Roms», a-t-elle constaté. D'où l'idée de mettre sur pied un endroit où les écoliers pourraient obtenir le soutien que leurs parents ne peuvent leur offrir.

Les deux adolescents d'Ivana Memisevic font partie de ceux qui fréquentent le centre d'aide aux devoirs de Nis. «Je crois qu'ils ont beaucoup aidé mon fils à préparer ses examens finaux», dit-elle. Poursuivre ses études au-delà du primaire est d'ailleurs «obligatoire» dans cette famille. «C'est pour leur bien. S'ils vont à l'école, ils arriveront à trouver un meilleur emploi et ils auront un avenir meilleur.»