Avec trois pièces qui s'adressent aux bébés, la compagnie belge du Théâtre de la Guimbarde aura une présence importante cette année au festival Petits bonheurs. Exploration, sensation, émotion: le metteur en scène de deux de ces spectacles, Martin Staes-Polet, parle de la responsabilité de travailler pour les tout-petits et du théâtre non éducatif... qui éduque.

La Guimbarde faisait déjà depuis longtemps du théâtre jeunesse, mais touche depuis plusieurs années des groupes d'âge de plus en plus jeunes. Coproduit avec le Theater de Spiegel, Bramborry, livre animé mettant en vedettes trois saxophonistes, s'adresse aux 1 à 3 ans. Le grand saut, chantier de construction transformé en terrain de jeu, rejoint les petits de 18 mois à 4 ans. Et le spectacle musical Concertino Pannolino, coproduit avec La Bulle à sons, est destiné aux... 0 à 1 an. Les bébés y sont carrément intégrés au concert avec leurs parents, sur scène, assis sur le piano ou tout près de la contrebasse...

«L'expérience du théâtre, pour un bébé, est en soi éducative», déclare Martin Staes-Polet, qui collabore avec la Guimbarde depuis une dizaine d'années. Face aux DVD qui sont maintenant dans la vie des enfants depuis leur tout jeune âge, les Bébé Einstein, Teletubbies et compagnie, le metteur en scène ne se sent pas vraiment en concurrence. «Si ce qu'il voit l'intéresse, l'enfant sera présent. Mais il faut qu'il y ait un vrai contact visuel pour l'amener dans ce qu'il y a devant lui, et l'expérience devient plus forte que celle de l'écran plat parce que c'est réel, concret.»

Il s'agit bien sûr de respecter leur rythme et leur capacité d'attention limitée - la pièce ne doit aller ni trop vite ni trop lentement. «L'enfant ne choisit pas d'aller au théâtre, sa sécurité affective est donc importante. Il est comme une page vierge et nous devons être respectueux d'où il se trouve et de sa capacité de recevoir.»

Testé sur des enfants

Le Théâtre de la Guimbarde présente aussi ses productions dans les garderies, et elles sont régulièrement «testées» sur des enfants et avec des pédopsychiatres avant d'en arriver au produit final. Par exemple, pour Bramborry, les créateurs ont voulu savoir comment les tout-petits réagissaient au son très puissant du saxophone. La réponse? «Ils reçoivent cela très bien. Mais on démonte aussi l'instrument, on joue physiquement avec lui.»

La pièce, inspirée des illustrations très colorées de la Tchèque Kveta Pacovska, est un genre de «film musical», explique le metteur en scène, dans lequel les personnages sortent des pages d'un livre géant. «Évidemment, pour les tout-petits, il n'y a pas de narration concrète. C'est un voyage de découvertes et de sensations. L'histoire se raconte à travers des choses qui surgissent.»

C'est vrai aussi pour Le grand saut, une expérience «plus motrice, active et concrète» faite de bruit, d'eau, de tuyaux et de sable. «Nous voulions expérimenter avec la matière et les objets et on a mis du temps avant d'arriver à l'idée du chantier. Le canevas s'est créé au fur et à mesure.» Chantier urbain comme on en voit dans les rues, Le grand saut est «très fort et très simple» et ne manque pas d'humour, dit Martin Staes-Polet.

Dès le plus jeune âge, croit le concepteur, les enfants vivent des émotions et peuvent, d'une certaine manière, «apprécier» une oeuvre d'art. D'ailleurs, Martin Staes-Polet ne se lasse pas d'observer leurs réactions pendant les spectacles, leur bonheur et leur intérêt. «Si on est enfermé dans une armoire, on n'apprend rien. Dès qu'on peut ouvrir la porte et faire un petit pas vers le théâtre, c'est le début d'une aventure.»

Bramborry, Le grand saut et Concertino Pannolino sont présentés pendant le festival Petits bonheurs, qui se déroule jusqu'au 15 mai. Infos: petitsbonheurs.ca