Créée en 1998 au Théâtre Jean-Duceppe, Le chemin des passes dangereuses, de Michel Marc Bouchard, a été traduite et jouée un peu partout dans le monde. Notamment à Paris, Naples et Mexico City. Mais ici, elle n'a jamais été montée depuis. C'est maintenant chose faite, grâce à la proposition du théâtre Le Mimésis, qui a mis Michel-Maxime Legault sur le coup.

Ce sont trois jeunes diplômés du Conservatoire d'art dramatique de Montréal qui sont à l'origine de ce projet. Guillaume Regaudie, Yves-Antoine Rivest et Louis-Philippe Tremblay (Le Mimésis) voulaient monter ce texte de Michel Marc Bouchard au Bain Saint-Michel. Ils ont pris contact avec le comédien et metteur en scène Michel-Maxime Legault, qui a mis le pied à l'étrier.

Le comédien, qu'on a vu dans Vie et mort du roi boiteux, il y a près de deux ans, a signé de remarquables mises en scène récemment: Top Dogs, Kick, Rhapsodie-Béton, Menteur, c'est lui. Michel-Maxime Legault connaissait bien le texte. «Quand ils m'ont dit qu'ils voulaient le monter au Bain Saint-Michel, j'ai tout de suite accroché, dit-il. Je voulais créer une performance-installation.»

L'intention de départ de Michel Marc Bouchard était d'écrire une pièce sur la parole des hommes, souvent incapables d'exprimer leurs émotions. Il a imaginé un père de famille qui serait tout le contraire: un poète-fou, alcoolique, qui ne cesse de parler. De tout dire, de tout nommer. Au plus grand dam de ses trois garçons (adolescents), qui ont honte de lui. Il s'agit bel et bien d'un drame familial, mais il y a beaucoup d'humour dans le texte.

«Je voulais aussi parler de la franchise dans les communications, explique Michel Marc Bouchard. Entre le père et ses fils, mais aussi entre les trois frères. C'est dur d'atteindre la franchise, c'est quelque chose de très violent. Qu'on vit parfois seulement sur notre lit de mort.» D'où la mise sous tension des dialogues entre les frères, qui en même temps se félicitent de leurs discussions franches et viriles. «Notre père doit être content», répètent-ils.

La construction du Chemin des passes dangereuses est assez originale. On assiste d'abord à un huis clos entre deux des trois frères, Ambroise et Carl. Mais on ne sait pas exactement où ils se trouvent. Arrive l'aîné de la fratrie, Victor, qui se joint à eux. Peu à peu, les pièces du puzzle s'assemblent. Jusqu'à ce qu'on comprenne que ce récit de famille est en fait une tragédie racontée au passé. Une «tragédie routière», comme dit l'auteur. Et qu'on se trouve face à trois fantômes.

Réconciliation des frères

«C'est la réunion et la réconciliation entre les trois frères qui m'a intéressé, explique Michel-Maxime Legault. Il y a de l'amour malgré tout entre eux. Même si on est différent de nos frères et soeurs, on a besoin de retourner à nos sources. Eux, ils s'entêtent à se revoir, parce qu'ils sont une famille. Même s'ils ont pris des chemins différents. Il y a quelque chose de profondément humain dans leur histoire.»

Les trois frères font un saut dans le temps, 15 ans après la mort de leur père, pour le mariage du benjamin (Carl). C'est là que le drame se poursuit, et se conclut. «Ils se sentent coupables de la mort de leur père. Ils savent qu'ils sont complices de ça, précise l'auteur. Moi, j'ai voulu jouer sur l'image de la spirale. Je voulais écrire quelque chose qui se passait au moment où s'envolent les âmes. D'où l'accident dans le camion. Et le tunnel, qui vient immédiatement après la mort.»

Les trois comédiens joueront à l'intérieur du Bain Saint-Michel, lieu idéal de ce «nulle part». Les spectateurs seront assis autour du bassin (sur trois côtés). Au centre, un petit autel servira de tribune aux personnages. «Le texte est déjà très fort, dit Michel-Maxime Legault, je n'avais pas besoin d'en rajouter. Tout est centré sur le mouvement qui va amener la parole. Tout ce qui relève du quotidien a été évacué. Dans ce sens, c'est vrai que c'est très chorégraphié.»

Michel Marc Bouchard ne cache pas sa joie de voir sa pièce reprendre l'affiche à Montréal. «C'est une des pièces dont je suis le plus fier, dit-il. À cause de la manière de raconter cette histoire. De l'idée de cette spirale, qui porte aussi un discours. Je viens d'assister à un enchaînement et il y a encore des affaires qui m'échappent. Comme je le dis souvent, j'oublie que c'est moi qui ai écrit le texte. Et ça, c'est le plus beau cadeau qu'on peut faire à un auteur. D'être un spectateur.»

Le chemin des passes dangereuses, au Bain Saint-Michel du 10 au 27 mai.