Drame familial, road trip, western spaghetti, Gunshot de Lulla West (pars pas) est un peu tout ça à la fois avec ses personnages complexes et rudes; libres, mais seuls et malheureux. Ramenés dans un passé qu'ils avaient pourtant fui, mais qui finit par les rattraper.

Jessy White et Lulla West forment un duo qui promène son petit numéro de musique country dans des salles vides. Frère et soeur (de sang), compagnons de route, de scène et d'infortune, lui est intoxiqué par l'alcool, elle n'en peut plus d'espérer une percée qui les sortira du trou.

Très rapidement, et avec peu de moyens, Jessy et Lulla (Robin-Joël Cool et Édith Arvisais) occupent tout l'espace du Prospero pour nous emmener dans les coins sombres de leur triste existence. Jusqu'à ce qu'ils fassent la rencontre d'un fan, David Walker (interprété par Mathieu Lepage), qui deviendra leur agent.

Le texte d'Eugénie Beaudry est dur et cru, parfois même violent. Bizarrement, l'accent acadien des comédiens adoucit le drame, qui s'épaissit tout de même, mêlant le passé et le présent, la réalité et la fiction. Explorant les liens troubles avec ce père musicien, qui, lui, avait connu le succès. Et cette mère mourante, que Jessy White veut voir une dernière fois (contrairement à sa soeur).

De fil en aiguille, l'auteure et metteure en scène nous ramène avec beaucoup d'adresse sur les lieux de la fuite du frère et de la soeur, 10 ans plus tôt, dans leur patelin acadien. La maison familiale et tous ses fantômes, notamment une jeune femme appelée Rouge-Gorges (très bonne Viviane Audet), amoureuse folle de Jessy, qui n'a jamais fait cas d'elle.

Le drame de Gunshot de Lulla West (pars pas) se dénoue tout doucement, mais pas entièrement, avec parfois d'étranges symboles (comme avec ces masques de poissons), dans une ambiance glauque qui laisse place à l'interprétation. À la fin, Jessy White et Lulla West poursuivent leur petit bonhomme de chemin, et nous, le nôtre.

Pas de doute, Gunshot de Lulla West (pars pas) est une proposition qui dérange. Bien qu'imparfaite, il y a une puissance dramatique qui fait mouche, et ce, en partie grâce à l'interprétation de Robin-Joël Cool, diplômé du Conservatoire il y a à peine trois ans.

Le comédien est ruisselant de vérité (dans tous les sens du terme), et démontre une troublante aisance sur scène. Son jeu réaliste, presque menaçant, nous entraîne, malgré nous, dans sa chute, et peut-être un peu vers sa guérison. On ne ressort pas du Prospero diverti. Plutôt avec un arrière-goût de bière et de cendre dans la bouche. Du théâtre qui nous «fait ressentir quelque chose», comme le voulait Eugénie Beaudry pour ses personnages.

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Jusqu'au 30 avril au Théâtre Prospero.