L'espace cartographié par la dramaturgie québécoise va prendre de l'expansion à la faveur de la programmation 2011-2012 du Théâtre d'Aujourd'hui. Plutôt que de s'interroger sur l'ici et le maintenant, c'est l'«Autre» et l'ailleurs qui seront explorés à travers les nouveaux textes de Larry Tremblay (Cantate de guerre), Olivier Kemeid (Moi, dans les ruines rouges du siècle) et Carole Fréchette (Je pense à Yu) où il est respectivement question de la guerre de Tchétchénie, de l'implosion du bloc soviétique et d'un journaliste chinois emprisonné à la suite des manifestations de 1989 à la place Tiananmen.

Marie-Thérèse Fortin, directrice artistique du Théâtre d'Aujourd'hui, affirme ne pas avoir invité les auteurs à aller voir ailleurs et qu'elle ne saurait fonctionner en imposant un thème. La tendance s'est dégagée d'elle-même. «C'était manifeste chez les auteurs, ce regard vers un ailleurs lointain et vers l'«Autre» qui est issu d'une autre culture, dit-elle. Parfois, le fil qui relie les différentes productions est plus ténu, mais cette année, l'«Autre» et l'ailleurs étaient clairement au coeur des textes sélectionnés.»

Transmission de la violence

Inspiré par la lecture de Tchétchénie, le déshonneur russe d'Anna Politkovskaïa, Larry Tremblay a eu envie de s'intéresser à la transmission de la violence et s'est demandé comment le théâtre pouvait témoigner des guerres ethniques «dont les motivations se perdent dans le bruit de la mondialisation». Olivier Kemeid, lui, s'est inspiré de la vie du comédien Sasha Samar, établi au Québec, mais né en Ukraine, qui a vécu de près la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et la chute du mur de Berlin comme si ce mur était dans sa chambre.

Dans Je pense à Yu (mis en scène par Marie Gignac), présenté en ouverture de Dramaturgies en dialogue l'automne dernier, Carole Fréchette s'intéresse à Madeleine, une ex-militante «en pleine remise en question», qui replonge dans son passé après avoir lu un entrefilet annonçant la libération d'un prisonnier politique chinois. En choisissant ces pièces, Marie-Thérèse Fortin croit proposer des oeuvres qui reflètent les questionnements d'une société qui vit à l'ère de la mondialisation et des réseaux sociaux.

Connu et reconnu d'abord comme un théâtre consacré à la création, le Théâtre d'Aujourd'hui propose également une relecture de Inès Pérée et Inat Tendu. Frédéric Dubois, du Théâtre des Fonds de tiroir (Vie et mort du roi boiteux), dirigera cette reprise de la fameuse pièce de Réjean Ducharme. René Richard Cyr pilotera quant à lui la nouvelle pièce de Geneviève Billette (Contre le temps), qui s'intéresse à Évariste Galois, mathématicien français du XIXe siècle.

La dynamique petite salle Jean-Claude Germain propose aussi une programmation foisonnante dans laquelle on retrouve Simon Boudreault (D pour Dieu?), Pier-Luc Lasalle (L'anatomie d'un chien), Sébastien Dodge (La Guerre, qui porte sur le règne de Louis XIV), ainsi que la pièce Princesses de Catherine Léger. «Elle n'a pas eu l'occasion de faire valoir son écriture, qui est très incisive et très forte», signale Marie-Thérèse Fortin, qui voit chez elle une dramaturge à suivre de «très, très près».