Emmurée dans la solitude, une femme d'âge mûr décide de rompre avec son quotidien et de se donner une deuxième chance. Pierrette Robitaille se glisse dans la peau de Shirley Valentine, personnage attachant auquel elle prêtera sa vivacité et son humour.

On dit que les murs ont des oreilles. Dans son isolement extrême, Shirley Valentine, ménagère d'âge mûr, a pris l'expression au pied de la lettre et n'hésite pas à confier ses états d'âme à l'un des murs de sa cuisine. Un verre de Riesling à la main, les mots du dramaturge britannique Willy Russell en bouche, elle fait le bilan d'une vie ordinaire. Ni franchement ratée ni vraiment satisfaisante. Plutôt que de laisser son confort l'embaumer dans l'indifférence, elle choisit d'aller voir si la vie ne serait pas ailleurs.

«On est tous prisonniers dans la vie, on a tous de petites prisons dans nos têtes», juge Pierrette Robitaille. Entre le travail, la famille, les obligations sociales et la vie de couple, il arrive parfois qu'on finisse par perdre contact avec soi-même et ne plus se reconnaître dans la personne qu'on est devenue. «On ne sait plus reconnaître ce qui nous correspond ni répondre à nos aspirations, à nos rêves», poursuit la comédienne.

Shirley Valentine, pièce à succès qui a été adaptée au cinéma à la fin des années 80, montre ainsi la marche vers le bonheur amorcée par cette femme. Saisissant au vol une invitation lancée par une amie, le personnage joué par Pierrette Robitaille osera quitter son mari le temps d'une folie: un séjour en Grèce qui va transformer le regard qu'elle pose sur elle et sur sa vie. «C'est une leçon de courage», résume le metteur en scène Jacques Girard, qui a aussi dirigé la célèbre actrice dans Pierrette est enchantée, il y a deux ans.

Sans amertume

Contrairement à Albertine, Marie-Lou et d'autres personnages féminins de Michel Tremblay par exemple, Shirley Valentine ne se vautre pas dans l'amertume et les remontrances. «C'est une remise en question saine. Ce n'est pas du grattage de bobo, fait valoir Pierrette Robitaille. Son humour la sauve beaucoup.» Sa propension à voir le bon côté des choses aussi.

Willy Russell montre d'ailleurs l'impact que peut avoir le regard des autres sur nos vies. Shirley Valentine, seule chez elle, ne se sent pas comme une femme forte, mais plutôt comme la fille toujours à côté de la plaque qu'elle voyait dans le regard d'une ancienne maîtresse d'école. Elle reprend toutefois confiance en apprenant qu'une collègue de classe qu'elle enviait l'admirait elle aussi secrètement... et en se faisant draguer par un beau Grec.

«Costas l'aide à retrouver la Shirley qui a de l'aplomb et qui est capable d'être heureuse», commente Pierrette Robitaille. Willy Russell, le détail est intéressant, ne fait pas de la vérité une valeur absolue dans cette histoire de quête d'essence. Que le séducteur soit sincère ou non lorsqu'il complimente la dame anglaise n'a aucune importance, seule compte la résonance de ses paroles. Shirley Valentine, à sa manière, est donc une variation sur le thème de l'effet Pygmalion.

«J'aimerais que ça fasse du bien au monde, cette pièce-là. Qu'elle donne envie de vivre», dit Jacques Girard, tout en soulignant que l'humour du texte contribue grandement à faire passer les segments plus durs. Pierrette Robitaille, qui se produit pour la deuxième fois en solo («C'est casse-gueule, convient-elle, mais jouer au théâtre, c'est toujours comme ça»), retient surtout une chose de son personnage: «Ça prend du courage pour regarder ce qu'on pourrait faire pour être mieux, mais c'est possible, dit-elle. Le bonheur est accessible.»

Shirley Valentine, du 6 avril au 14 mai chez Duceppe.