Le premier texte de théâtre de Justin Laramée sera enfin créé cette semaine aux Écuries. Gagnant du prix Gratien Gélinas en 2008, Transmissions est une «tragicomédie symbolique» qui aborde, de façon assez crue et cruelle, les thèmes de la mort et du legs, vus d'une famille en mal d'identité. Avec une distribution attrayante incluant Maxime Denommée, Monia Chokri et Danielle Proulx.

Justin Laramée jure qu'il aime la vie, la bouffe, la nature, les fleurs et les enfants... contrairement à ce que sa pièce Transmissions pourrait laisser croire. C'est justement cette joie de vivre, nous dit-il, qui l'a poussé à écrire une pièce sur l'éphémère de la vie, le temps qui passe, et la mort qui n'est jamais bien loin. Cette histoire assez noire, mais pleine d'humour, est un cinglant portrait de famille où chacun peine à trouver sa place.

L'idée de Transmissions lui est venue le jour où ses grands-parents ont décidé de vendre leur petit chalet de Buckingham, dans l'Outaouais. «Je respecte leur décision, bien sûr, mais j'étais déçu. Je me suis dit que ce petit shack-là aurait pu rester dans la famille. J'ai commencé à m'interroger sur le legs, mais aussi sur la place de chacun dans la famille, hommes et femmes.»

Nous sommes donc à la campagne, dans un environnement boueux, où l'odeur de pourriture se fond dans la nature. Le récit commence de façon assez réaliste. Un couple dans la cinquantaine, Éric et Lucille Beauchemin, est l'hôte d'une réunion familiale (avec leurs trois enfants), organisée pour l'anniversaire de leur petit-fils de 6 mois, Alphonse. Toute la smala se donne rendez-vous au chalet pour une dernière fois avant sa vente à des «Anglais».

Tournure fantastique

Mais ces retrouvailles seront vite perturbées. Diane, la fille aînée, débarque en catastrophe après avoir heurté une chienne avec la camionnette familiale. Les Beauchemin deviennent captifs de leur lopin de terre. C'est à partir de ce moment-là que la pièce prend une tournurefantastique très habile. Une oie se met à causer avec Diane; la chienne morte discute avec son frère Gabriel; même le bébé de 6 mois fume un joint avec son père tout en planifiant une partie de pêche «entre hommes» pour le lendemain...

«J'aime tout ce qui est surnaturel, avoue Justin Laramée, qui a créé sa deuxième pièce 4 fois Mélanie 1/2 l'an dernier à La petite Licorne (avec sa compagnie Qui va là!). J'aime les choses magiques. Et quel meilleur endroit que le théâtre pour faire cette expérience? demande-t-il. Les répliques de Transmissions sont, de son propre aveu, assez «dures». «C'est un regard grossissant sur le modèle familial idéal. Et sur la place de l'homme et de la femme dans la relation de couple.»

Un drame funeste surviendra dans cette famille étrange menée par une mère toute puissante, qui drogue sa fille Camille, en dépression post-partum.

Du sang et de la boue, il y en a dans à peu près chacune des scènes qui réuniront Roger Léger, Danielle Proulx, Monia Chokri, François Bernier, Émilie Gilbert et Maxime Denommée. Transmissions n'est d'ailleurs pas sans rappeler la pièce d'Anne-Marie Olivier, Mon corps deviendra froid, qui abordait un peu les mêmes thèmes. Tout le monde est très candide et très désinvolte face à la mort. «C'est vrai, dit l'auteur et metteur en scène. Je voulais montrer le côté contrasté des personnages, dont Lucille, qui a peur des souris, mais qui trouve normal de voir du sang et des viscères.»

La fin révisée

De ces relations floues (et tordues), les personnages doivent trouver des compromis et trouver leur place, croit Justin Laramée. «Égalité des sexes ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de différence. Ma conclusion est la suivante: il faut trouver un terrain d'entente, un lieu commun, comme ce fameux chalet.»

Danielle Proulx, qui interprète le rôle de la mère, trouvait la fin de l'histoire vraiment trop dure. «Elle trouvait que l'amour devenait impossible. Sa réflexion m'a amené plus loin dans mon écriture», dit Justin Laramée. Les hommes sont ramenés à leur animalité profonde en étant représentés par des oies (faire le long voyage et ne revenir qu'au printemps), tandis que les femmes, elles, se font coller l'image de chiennes. Dans le scénario original, les femmes chiennes jappaient après les oies pour ne pas qu'elles reviennent.

«On a trouvé un terrain d'entente, explique le jeune dramaturge de 31 ans. J'ai réécrit des passages pour qu'il y ait plus d'humanité. Malgré la fuite des hommes, à la fin, les femmes espèrent leur retour. Au fond, ils ont besoin les uns des autres, c'est clair.»

Transmissions, aux Écuries, du 29 mars au 16 avril.