Hermione a cessé de rugir, mais cet hiver de femmes en colère se poursuit. La Médée d'Euripide menace et complote depuis hier sur le plateau du Théâtre Denise-Pelletier. Violette Chauveau, dont c'est la première incursion dans la tragédie grecque, est dans l'oeil de la tempête.

«La rage de Médée a quelque chose de vivifiant et de stimulant pour une actrice. Pour moi, c'est le théâtre à son paroxysme», affirme Violette Chauveau. L'actrice, qu'on a vue incarner bien des femmes fortes, n'a jamais joué de personnage tel que Médée. Elle ne s'est pas replongée dans le théâtre grec depuis ses années de formation. «J'adore ces grands textes-là», dit-elle pourtant.

Euripide n'a pas inventé la légende de Médée. Sa tragédie, écrite en 431 avant notre ère, s'est toutefois imposée comme la version de référence, celle qui consacre le mythe de la mère infanticide. Médée, qui a aidé Jason (Paul Ahmarani) à conquérir la toison d'or, est trahie par celui-ci. Il ne la répudie pas parce qu'il est en mal de descendance - elle lui a donné deux fils -, mais pour s'unir à la fille de Créon, roi de Corinthe, et prétendre au trône.

«Le sentiment de la trahison est quelque chose de très puissant, constate la metteure en scène Caroline Binet (Outrage public, Filles de guerre lasse). La trahison de Jason va bien au-delà du fait qu'il trompe sa femme, c'est une trahison globale et totale.» Sa défection dépouille en effet Médée, femme étrangère en Corinthe, de tout statut.

Euripide ne donne pas seulement une voix à la colère de cette femme, il lui donne un espace pour dénoncer la condition de ses semblables. «De tous les êtres doués de vie et de pensée, c'est bien nous autres femmes qui sommes le rameau le plus misérable», clame-t-elle, dans une longue tirade lancée au début de la pièce.

«Euripide, c'est vraiment un féministe avant l'heure, juge d'ailleurs Violette Chauveau. En arriver à écrire un personnage féminin comme celui-là, avec cette force-là, c'est assez étonnant.» En plus des femmes, le tragédien évoque aussi le statut des étrangers, ce qui fait dire à la comédienne qu'Euripide était «sensible aux problèmes sociaux qui existaient déjà à l'époque».

La colère de Médée, on le sait, éclatera et détruira tout sur son passage: la fiancée de son mari, le roi Créon. Et ses propres enfants, bien sûr, dans un ultime geste pour atteindre Jason. «Elle est anéantie au début de la pièce et elle l'anéantira totalement, lui, à la fin», résume Caroline Binet.

«Ce qui est intéressant dans la mythologie, c'est ce côté plus grand que nature», dit la metteure en scène rappelant que le but de la tragédie était de purger les passions par la terreur et la pitié. «Je veux qu'on la sente», insiste-t-elle, parlant du personnage de Médée. «J'ai essayé de la rendre très humaine, dit pour sa part Violette Chauveau. Pour qu'on comprenne son drame, son immense peine. Pour qu'on ne puisse pas dire que c'est juste une crisse de folle.»

Médée, jusqu'au 26 mars au Théâtre Denise-Pelletier.