Guy Jodoin et Stéphane Bellavance se paient une pause télé et radio pour monter sur les planches dans Elling, «comédie norvégienne» pas si obscure que ça, qui s'intéresse à la réinsertion sociale de deux hommes ayant séjourné dans un asile psychiatrique. Un projet mis en branle par Monique Duceppe, qui signe la mise en scène.

Monique Duceppe est tombée par hasard, il y a trois ans, sur cette pièce écrite par les Norvégiens Axel Hellstenius et Peter Naess. Une pièce adaptée du roman Blood Brothers, d'Ingvar Ambjorsen, qui a été portée à l'écran en 2001 et s'est même retrouvée dans la catégorie Meilleur film étranger aux Oscars, l'année suivante.

«C'est un acteur anglais, John Simm, que j'aime beaucoup, qui tenait le rôle d'Elling dans la pièce, confie Monique Duceppe. Ça m'a donné envie de la lire. Il s'agit d'une comédie norvégienne, ce qui est assez rare. Habituellement, les auteurs norvégiens sont un peu heavy. Cette histoire-là est fraîche, intelligente et fait beaucoup sourire.»

Celle qui a monté plusieurs drames récemment (La maison face au nord, Le vent et la tempête, La mort d'un commis voyageur...) était donc plutôt contente de changer de ton. Elle n'a toutefois pas voulu en faire une grasse comédie, pas plus qu'un documentaire sur la maladie mentale.

«Les personnages sont comiques malgré eux, nous dit Monique Duceppe. Parce qu'ils sont maladroits, ils ont de la difficulté à répondre au téléphone, à commander une pizza, etc. Ils doivent réintégrer la vie en société et ils ont peur. Au fond, c'est une pièce très touchante qui, à la fin, nous invite à accepter les autres comme ils sont.»

Michel Dumont, qui a traduit la pièce de l'anglais, a fait preuve de la même retenue pour ne pas surligner les passages comiques du texte. «C'était important pour moi de ne pas créer sur scène des personnages clownesques, précise la metteure en scène. Ou alors de les affubler de tics ou de manies. Je voulais qu'ils jouent simplement la partition.»

Elling, qu'interprétera Guy Jodoin, est un garçon anxieux et légèrement névrosé. Il a été placé dans un hôpital psychiatrique à la suite de la mort de sa mère, avec qui il avait toujours vécu. Son voisin de chambre, Kjell Bjarne, défendu par Stéphane Bellavance, est un simple d'esprit obsédé par le sexe. À 40 ans, Kjell est encore vierge. Les deux hommes sont «relâchés» par le gouvernement qui leur paie un appartement en ville, façon de les «réintroduire» dans la société.

«Je ne voulais pas porter de jugement sur ces deux hommes qui, ensemble, vont réussir à faire un bout de chemin. Je regarde les gens dans la rue, et je me dis que la ligne est mince entre ceux qu'on considère fous et les autres.»

Pour créer les nombreux lieux mentionnés dans la pièce, l'équipe de création a monté des murs pivotables, mais Monique Duceppe voulait aussi jouer avec la lumière. «Nous avons beaucoup travaillé sur les éclairages pour identifier les lieux. Il y a aussi des projections qui font partie du décor, et puis des effets sonores qui situent les lieux. Comme le bruit d'un crapaud qui nous transporte à la campagne.»

Le reste de la distribution comprend Gabriel Sabourin, dans le rôle du travailleur social qui encourage les deux hommes à sortir de leur appartement; et Mireille Deyglun, qui interprète tour à tour la voisine d'en haut, la serveuse d'un restaurant et une poétesse participant à une «soirée», où apparaît aussi Donald Pilon en vieux poète.

«Chaque fois que j'ai lu la pièce, c'était comme une bouffée d'air frais, conclut Monique Duceppe. Chaque fois, ça me mettait de bonne humeur. Parce que seuls, ces deux hommes-là sont perdus. Mais à deux, ils trouvent des solutions, ils trouvent le moyen de fonctionner.»

Elling, au Théâtre Jean-Duceppe du 16 février au 26 mars.