La nouvelle création de la bande d'Omnibus a été confiée à l'un des maîtres du théâtre corporel en Europe, le metteur en scène Hugues Hollenstein, qui s'est questionné sur le bruit assourdissant qui nous entoure en permanence. Son remède contre ce mal urbain: le mouvement de l'eau.

Sa dernière visite au Québec remonte à 2008. Hugues Hollenstein y était pour présenter Des mots derrière la vitre aux Rencontres internationales du mime de Montréal. Une pièce qui puisait autant dans le théâtre que les arts du cirque et le mime.

Cette fois, le metteur en scène français est arrivé chez nous en novembre dernier avec pour seul bagage des bandes vidéo de cours d'eau et de rivières qui coulent et une échéance, huit semaines pour créer un spectacle à partir de ce constat: les bruits environnants nous envahissent et nous empêchent de nous entendre.

«Sans être une pièce méditative, Sous silence est une tentative de faire silence pour réfléchir à notre engagement comme être humain, dans nos relations aussi, explique Hugues Hollenstein en entrevue. Le travail que nous avons fait avec les comédiens nous a également amenés à nous interroger sur notre rôle en tant que créateur.»

D'où ces images de cours d'eau et de longs fleuves qui sont autant de remparts pour contrer ces bruits qui nous entourent et qui favorisent cette réflexion. Un exercice qui facilite l'expression de nos états d'âme, selon le créateur. Même si, comme il le dit si bien, «quand on fait silence, c'est le bruit qu'on entend».

Il ne s'agit pas pour autant d'une pièce sans paroles. Les textes ont été conçus par les interprètes eux-mêmes - Catherine De Sève, Pascal Contamine, Sacha Ouellette-Deguire et Anne Sabourin -, au terme de plusieurs séances d'improvisation avec les quatre comédiens québécois (qu'on a vus récemment dans Rêves, chimères et mascarade).

C'est à partir de simples propositions d'Hugues Hollenstein que des segments de Sous silence ont été créés et que le spectacle a véritablement pris forme avec les différentes tranches de vie proposées par les interprètes. Celle-ci, par exemple: un interprète représente l'eau et un autre essaie de le porter. Action!

Dans ce cas précis, deux duos ont vu le jour. Dans le premier, une femme d'âge mûr vit une relation passionnelle avec un jeune homme; et dans la seconde, une fille se laisse complètement glisser, comme si elle était en dépression, épaulée par son partenaire qui cherche en vain à lui venir en aide.

«Chaque fois, la frontière intime entre le personnage et l'acteur était très subtile, note Hugues Hollenstein. Je pense que ç'a été une expérience à la fois bouleversante et déstabilisante pour les interprètes qui se sont vraiment dépassés.»

Bien sûr, les comédiens sont très engagés physiquement, et plusieurs passages ont été chorégraphiés, mais Sous silence demeure, selon son concepteur, très théâtral. «Les monologues des comédiens surgissent lorsque les personnages sont seuls. Lorsqu'ils sont en interaction, c'est physiquement qu'ils communiquent ensemble. C'est une parole silencieuse. Mais tout ça, c'est du théâtre.»

Sa pièce est coiffée du titre «oeuvre résistance». Est-ce donc une pièce engagée? «Je me suis beaucoup questionné sur la valeur du théâtre comme moyen de faire bouger le monde, nous glisse Hugues Hollenstein. On a bien sûr envie de rêver qu'on transforme les spectateurs au contact de ces pièces que nous montons. Sans être une pièce engagée, je pense que Sous silence propose un chemin intéressant.»

La troupe d'Hugues Hollenstein, L'escale théâtre, qui propose depuis près de 20 ans des spectacles sous chapiteau ou dans des lieux insolites (comme une papeterie), ont eu un effet évident sur la scénographie du spectacle.

«Je suis bien sûr habitué à travailler dans des arènes circulaires et non face au public, nous dit-il. Dans Sous silence, je voulais que le spectateur fasse partie de la pièce. Les sièges ont donc été placés sur trois côtés afin de créer une sensation d'immersion.»

Sous silence, à Espace libre du 1er au 19 février.