Pour se mettre dans l'ambiance des Fêtes, Duceppe présente Minuit chrétien, une comédie où il est question d'une famille qui se chamaille le soir du réveillon. Non, ces presque deux heures passées au théâtre n'auront rien de solonnel.

Tilly, François-Louis de son prénom, est un dramaturge que René Richard Cyr a à l'oeil depuis longtemps. Rarement joué ici - Marie Laberge a déjà monté l'un de ses textes au Café de la Place, il y a une vingtaine d'années -, l'auteur français a écrit un peu plus d'une demi-douzaine de pièces «cruelles» aux titres parfois évocateurs tels que Charcuterie fine et Les trompettes de la mort.

René Richard Cyr est tombé sur Minuit chrétien il y a environ 10 ans. «Elle est plus comique que les autres, souligne-t-il. J'ai été étonné de voir que l'humour, souvent très présent dans les autres pièces de Tilly, ne se trouvait pas au premier plan, mais presque, dans celle-là.» Le dramaturge s'est en effet inspiré de la comédie de boulevard, mais en fait grincer les rouages.

Minuit chrétien se déroule lors d'un souper de Noël. Les invités, c'est-à-dire la famille élargie, arrivent au compte-gouttes et, très vite, il est clair que les uns et les autres n'acceptent l'invitation que par convenance. «Ils sont ensemble, mais ils ne veulent pas vraiment être ensemble. Il n'acceptent pas la différence des autres. Ils parlent d'argent, de consommation», détaille René Richard Cyr.

Tilly passe en revue une foule de clichés: la relation difficile entre un père et un fils, les petites jalousies familiales, le mononcle chiant, le médecin, le militaire... «Tout est là, en place. La pièce est, oui, convenue, mais elle détonne par la dose de vinaigre qu'on y trouve», estime le metteur en scène. Ce miroir tendu à l'assistance devient alors, plus «parlant», plus «significatif» par les mesquineries qu'il met au jour.

Effet miroir

«Souvent, dans le théâtre de Serge Boucher, les gens disent reconnaître leur tante ou leur cousine. Coudonc' les tantes et les cousines ne vont jamais au théâtre? Personne n'ose jamais dire que ça leur ressemble», souligne-t-il encore. Avec Minuit chrétien, il espère que les gens n'esquiveront pas la ressemblance. En fait, il a tout mis en oeuvre pour qu'ils ne le puissent pas.

Duceppe présentera en effet non pas Minuit chrétien tel que Tilly l'a écrite, mais l'adaptation que René Richard Cyr en a faite. Avec des références et une langue québécoises. «Pour avoir un impact direct sur les spectateurs, j'ai convaincu l'auteur qu'il valait mieux faire une adaptation. Il fallait transposer la pièce puisque les références culturelles ne sont pas les mêmes», dit le metteur en scène.

Sa crainte, c'était que l'assistance puisse voir la pièce et se dire «oui, c'est vrai que les Français sont comme ça». Les personnages chanteront donc des chansons qu'on connaît, parleront de Costco, etc. «J'ai sabré dans plein d'affaires qui faisaient un peu vieillottes ou qui auraient paru dépassées par rapport à la société québécoise», ajoute René Richard Cyr, précisant que le Québec est plus tolérant envers l'homosexualité, que le rapport à la femme y est différent et que le racisme ne s'exprime pas de la même façon.

L'essentiel demeure que la pièce place le spectateur devant un paradoxe: Noël est une période de réunion, un moment où on doit mettre l'accent sur ce qui nous rassemble et non ce qui nous sépare, mais quel est le sens de cette fête à partir du moment où la religion «a foutu le camp» et que la famille est complètement éclatée?

N'est-il pas curieux de présenter une telle comédie à Noël? René Richard Cyr est le premier à en convenir. Il lance même à la blague avoir cru que les gens de chez Duceppe avaient accepté sa proposition sans avoir lu le texte! Ce n'est pas une charmante comédie pour mettre les gens dans l'ambiance des Fêtes, en effet. Mais il y a beaucoup de drôlerie dans ces petites cruautés.

«C'est un bon truc dramaturgique que de faire rire le public pour ensuite rentrer le poignard. C'est une structure éculée, mais qui fonctionne encore, juge-t-il. On se fait encore prendre.»

Minuit chrétien, du 15 décembre au 5 février chez Duceppe.