Heureux intermède dans notre paysage théâtral où foisonnent drames psychologiques et existentialistes, Treize à table, une comédie de boulevard écrite en 1953 par le Français Marc-Gilbert Sauvagon, est plutôt divertissante.

J'en connais qui sont allergiques à ces comédies parisiennes au généreux crémage, un peu surannées, tout en grimaces et simagrées, pour l'essentiel assez prévisibles et livrées sur un ton haut perché, qui peut s'avérer irritant... Mais la nouvelle production du Rideau Vert tire le meilleur parti de cette pièce qui contient des ressorts comiques évidents, parfaitement déclenchés par sept comédiens inspirés, menés par l'un de nos grands maîtres de la comédie: Carl Béchard.

Dans le rôle d'Antoine Villardier, Béchard joue avec une aisance déconcertante cet homme un peu trouillard; ce mari ennuyant et prévisible, cachant un passé qui le rendra plus intéressant aux yeux de sa femme Madeleine, très bien défendue par Linda Sorgini.

Les deux comédiens d'expérience occupent toute la scène par leur forte présence et leur jeu physique extrêmement fluide, très bien encadrés par le décor imaginé par Geneviève Lizotte, sorte d'hémicycle tout en dorures qui témoigne bien de leur condition bourgeoise.

C'est la veille de Noël, et les Villardier s'apprêtent à recevoir leurs invités pour le Réveillon, mais voilà qu'en repassant la liste des convives, madame constate qu'ils seront 13. «Treize à table», tabou des tabous. Superstitieuse, notre hôtesse s'échinera pendant toute la pièce à éviter «le drame».

Pourtant, d'autres drames autrement plus importants se profileront, en particulier l'arrivée de Consuela Koukouwsko, un rôle deux fois interprété au Rideau Vert par Denise Pelletier; en 1963, puis en 1971. Cette fois, c'est Anne Casabonne qui prête ses traits à la pétillante Sud-Américaine, jadis amoureuse d'Antoine.

Anne Casabonne, qu'on voit assez peu au théâtre, est tellement associée au personnage de Claude dans La galère, que je trouvais curieux de la voir dans cette comédie française... Et pourtant, elle est le sel et le piment de cette pièce, et joue habilement son rôle de femme fatale, qui cherche à se venger de son ex-amant.

Alain Zouvi, qui a fait ses premiers pas de metteur en scène l'an dernier avec une autre comédie, Oscar, qui mettait en vedette Benoît Brière, réussit de nouveau à imposer le rythme nécessaire à ces comédies construites sur des quiproquos; où les comédiens doivent nécessairement «surjouer»; où l'on devine le dénouement, mais où l'on jouit entièrement du moment comique présent.

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Au Rideau Vert jusqu'au 4 décembre.