«Non, je n'étais pas cruel quand j'étais petit», commence l'homme sans nom qu'interprète Paul Ahmarani. Il l'a été plus tard, devine-t-on. Son costume - chemise, pantalon et bottes de style militaire - le trahit. Sa maison sens dessus dessous aussi. La guerre est passée par là et, comme elle ne fait pas de quartier, elle n'a certainement pas épargné cet homme troublé qu'on sent pourtant très doux au fond.

Il racontera tout, durant l'heure et des poussières que dure la représentation. Les tensions entre Adamites et Zélites. L'émergence de factions armées. Les violences arbitraires. Les bombardements qu'il entend au loin et qui se rapprochent sans cesse. Puis, l'horreur qui l'a fait basculer dans le camp des partisans du Grand Conciliateur. Et prendre les armes.

Exécuteur 14, mis en scène avec précision par Peter Batakliev, ne se démarque pas d'emblée par son texte. Adel Karim signe une oeuvre certes sensible qui a la particularité d'aborder la guerre à travers les yeux d'un homme un brin naïf, mais sa structure et sa teneur n'ont rien de surprenant. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas nécessaire de redire l'absurdité de la guerre et d'insister sur la spirale de la violence.

La pièce touche, d'ailleurs. Remue, même. Essentiellement grâce au jeu de Paul Ahmarani. Seul en scène, l'acteur habite tout entier ce texte qu'il raconte d'une voix parfois éteinte. Son corps tout entier semble hanté par l'angoisse qu'il a vécue et par les horreurs qu'il a vues.

Et c'est cette présence forte, troublante, qui trace le chemin pour que ces mots, qui disent une réalité si lointaine de la nôtre, résonnent fort. L'effort de mémoire semble pénible pour ce personnage emprisonné dans ses souvenirs douloureux, mais ce n'est pas en vain qu'il se fait violence pour les partager.

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Exécuteur 14, jusqu'au 13 novembre à l'Usine C.