Le roman Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges occupe une place particulière dans l'oeuvre foisonnante de Michel Tremblay. Ses principales protagonistes sont des fillettes à l'orée de l'adolescence et il montre l'univers des femmes à l'extérieur du cercle familial. L'essentiel du récit se déroule en effet à l'école que fréquentent Thérèse, Pierrette, Simone et Lucienne, institution dirigée d'une main de fer par une religieuse à la froideur et au mépris plus grands que nature: mère Benoîte des Anges.

L'autorité de cette femme dure (superbement détestable Muriel Dutil), que les élèves surnomment mère Dragon du Yâble, est mise à rude épreuve durant les quelques jours au cours desquels se déroule la pièce que le metteur en scène Serge Denoncourt a tirée du roman. La fin de l'année approche et les préparatifs de la Fête Dieu vont bon train. Mais le cours des jours est involontairement bousculé par Simone Côté, que tous surnomment bec-de-lièvre, qui revient à l'école après avoir subi une opération pour corriger sa petite infirmité.

Sa nouvelle vie ne s'amorcera pas dans la joie. Mère Benoîte des Anges n'y voit rien d'autre qu'un geste vaniteux et curieusement onéreux pour une fille issue d'une famille trop pauvre pour verser le moindre sou à l'école. L'humiliation qu'elle lui fera subir se retournera contre elle: la mère supérieure fera face à l'intrépide mère de Simone et à l'effritement de son ascendant sur des religieuses pourtant censées lui obéir au doigt et à l'oeil.

Serge Denoncourt, qui signe l'adaptation et la mise en scène, a élagué la matière pour ne garder que les fillettes, leurs mères et les religieuses. Et aussi Gérard Bleau (Sébastien Huberdeau), homme avec lequel Thérèse (Catherine De Léan) flirte dangereusement (l'élément le moins convaincant du spectacle). Ce faisant, le metteur en scène s'attarde aux jeux de pouvoir entre ces femmes: l'ascendant de Thérèse sur son groupe d'amies, la violence d'Albertine (Danielle Lépine) envers sa fille, la désobéissance bien intentionnée de soeur Sainte-Catherine (Lynda Johnson), la révolte de la mère de Simone et la soumission enragée de la mère supérieure.

Enfermement

À travers ces conflits ouverts, ces amitiés particulières (entre nonnes, notamment) et les alliances qui se nouent et se dénouent au quotidien, c'est l'emprisonnement des femmes et l'oppression des femmes par d'autres femmes qui se trouvent brillamment illustrés. Cet enfermement est d'ailleurs souligné avec justesse par les hautes clôtures Frost qui servent de murs en plus de délimiter la cour d'école.

Portrait de société dur traversé par un humour parfois cruel et porté par une distribution convaincante, Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges montre toutefois une prison dont les murs commencent à s'effriter. Quand une femme pauvre d'entre les pauvres tient tête à l'autorité, quand une religieuse s'affranchit du joug de sa supérieure, c'est qu'il y a péril en la demeure. Et si cette oeuvre met l'accent sur la violence faite aux femmes par d'autres femmes, elle montre aussi que c'est au moment où celles-ci brisent leurs chaînes que le changement peut survenir.

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Jusqu'au 20 novembre au Théâtre Denise-Pelletier.