Inspirés par le réel, mais déterminés à faire un théâtre d'art, les directeurs de Lagartijas Tiradas Al Sol se plaisent à mettre les faits au service de la fiction. Invitée pour la toute première fois hors de son pays, la compagnie mexicaine présente deux spectacles dans le cadre du Festival TransAmériques.

Gabino Rodríguez, codirecteur de la compagnie mexicaine Lagartijas Tiradas Al Sol, semblait soulagé lorsque La Presse l'a joint à Mexico. Au terme de démarches apparemment laborieuses, il venait finalement d'obtenir son visa pour venir au pays. Le Canada impose en effet un visa aux ressortissants mexicains depuis le mois de juillet dernier. «Ç'a été très compliqué, mais j'ai fini par l'obtenir», se réjouit-il.

 

Le jour même où il a obtenu son visa et récupéré son passeport, le jeune homme de 27 ans s'est envolé pour Paris (pour le plaisir), avant de se rendre à Bruxelles, où il devait participer à des rencontres tenues dans le cadre du Kunsten Festival. La présentation à Montréal des spectacles Catalina et Asalto Al Agua Transparente marquera toutefois les réels débuts de sa compagnie à l'échelle internationale.

Gabino Rodríguez, qui gagne sa vie comme acteur de cinéma, a cofondé Lagartijas Tiradas Al Sol (Comme des lézards se prélassant au soleil) à sa sortie de l'école avec sa collègue Luisa Pardo. C'était la seule façon, selon lui, de faire le théâtre dont il avait envie. «Il y a très peu de place pour le théâtre expérimental au Mexique, dit-il. En général, il s'agit de productions plus conventionnelles: un texte présenté à travers une mise en scène.»

L'idée de demander simplement d'accepter les conventions du genre «je suis Hamlet, nous sommes au Danemark» ne l'excite pas tellement. «Je n'aime pas ce procédé», tranche-t-il. Lagartijas Tiradas Al Sol aime que les choses soient un peu plus complexes et pratique un théâtre où la fiction se nourrit de la réalité, notamment de faits et de lieux.

«J'aime travailler avec une matière qui, au départ, est vraie. Peut-être que c'est un mensonge total, mais j'aime que ça ait l'air vrai», insiste l'acteur. Gabino Rodríguez trouve par ailleurs qu'une fois transportée sur scène, la réalité devient plus malléable, qu'il est plus facile d'y ajouter son point de vue. Il juge en outre que des ancrages réels prédisposent le spectateur à croire ce qu'il voit.

D'amour et d'eau fraîche

Catalina, solo en forme de conférence dans lequel il raconte une rupture, débute avec une référence à la récente pandémie de grippe. «Asalto... est plus complexe, annonce d'emblée Gabino Rodríguez. On a voulu faire entrer la ville entière sur scène.»

Asalto Al Agua Transparente raconte en effet l'histoire de la ville de Mexico et prend aussi la forme d'une enquête sur la quasi-disparition des nombreux points d'eau douce qui se trouvaient sur le territoire aujourd'hui occupé par la mégalopole, une des agglomérations les plus peuplées de la planète.

Gabino Rodríguez ne réfute pas l'idée selon laquelle la pièce pourrait constituer une allégorie de la vie sur terre, impossible sans l'or bleu. «Notre ambition était cependant de parler de l'eau dans un endroit spécifique: la ville de Mexico», précise-t-il. Ainsi, Asalto Al Agua Transparente parle bien sûr de difficultés d'approvisionnement en eau potable.

«Avec la compagnie, nous avons dès le départ cherché à identifier les problèmes de notre société ou dans nos vies, expose Gabino Rodríguez. Je crois que la part la plus importante de notre travail, c'est tout ce temps qu'on passe à faire de la recherche. On a passé des heures dans les bibliothèques pour apprendre au sujet de la ville dans laquelle nous vivons. Peut-être que notre mandat, c'est de porter vers les autres la somme de nos recherches.»

Asalto Al Agua Transparente, les 8 et 9 juin, 21h, à Espace libre. Catalina, les 11 et 12 juin, 21h, à Espace libre.