Le one woman show de Brooke Johnson au Centaur Theatre a tôt fait d'intriguer le public et la critique sur ces confidences, apparemment véridiques, de l'auteure et comédienne à propos de sa relation amicale avec l'ex-premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau.

Le résultat est assez étonnant. Oui, on peut parler de performance théâtrale, mais le récit hyper réaliste de cette improbable rencontre nous est conté sur le ton de la confidence habituellement réservé aux vieux amis. Ce qui fait qu'on a plus l'impression d'être en chaussettes dans le salon de Brooke qu'au théâtre.

Nous sommes en 1985. Brooke Johnson fréquente l'École nationale de théâtre du Canada (dans la section anglaise, à Montréal). La jeune femme, qui siège au CA de l'École à titre de représentante des élèves, est invitée à un gala à l'occasion du 25e anniversaire de l'ENT.

C'est là qu'elle fait la connaissance de Pierre Trudeau. Elle n'a alors que 23 ans. Lui travaille dans un cabinet d'avocats depuis qu'il a quitté la vie politique un an plus tôt. Il a près de 65 ans. Tout de suite, l'esprit et l'humour (et bien sûr tout le reste) de la jeune Brooke attirent l'attention de Trudeau.

C'est le point de départ d'une relation amicale ambiguë, qui n'est pas une romance, mais qui n'est pas non plus totalement innocente.

C'est que l'homme derrière le politique avait du charme. Et de la culture. On imagine mal notre premier ministre Stephen Harper discuter de l'art de la prose, des poèmes de W.B. Yeats ou des pièces de Tchekhov... Ce que Trudeau savait faire avec éloquence. Et un sens de la répartie assez redoutable.

Incursion intime

Ces Trudeau Stories sont en fait une étrange incursion dans l'intimité de cette femme aujourd'hui âgée de 48 ans. Je dis étrange, parce qu'on peut ressentir, malgré notre curiosité, un certain malaise lorsque Brooke Johnson nous lit des extraits de son journal intime ou de sa correspondance avec PET.

Bien sûr, notre côté voyeur prend le dessus. Et puis Trudeau était une personnalité publique incontournable. On se régale donc de ces histoires très personnelles qui le concernent, c'est évident. Mais l'on est quand même porté à se demander quel est l'intérêt de ces confidences.

Au fond, ce qui est touchant et universel (jusqu'à un certain point), c'est l'histoire d'amitié entre ces deux êtres que tout oppose. Elle, une jeune comédienne en devenir sans le sou; lui, un ex-chef d'État fortuné à l'âge de la retraite. Et la richesse de leurs échanges. C'est là la grande force de Trudeau Stories.

Manifestement, cette amitié, qui a duré jusqu'à la mort de PET en 2000, a marqué la vie de Brooke Johnson, qui nous entraîne avec humour et sensibilité dans les recoins du Vieux-Montréal avec toute la fébrilité qu'elle a dû ressentir vis-à-vis de ce grand séducteur devant l'éternel, qui s'est intéressé à elle.

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Trudeau Stories. En anglais, au Centaur Theatre. Jusqu'au 6 juin.