La nouvelle création de Momentum, Buffet chinois, n'est pas de tout repos. Dogmes et conversions forcées, scènes de torture et de mutilation, logorrhée de mots et musique rock, l'auteure Nathalie Boisvert nous convie à rien de moins que la fin du monde. Et les dernières traces humaines ne sont pas belles à voir.

Ce spectacle apocalyptique a lieu au bord de la mer en compagnie d'une étrange famille américaine : pa, ma et leurs enfants Tatane et Choupette, interprétés avec un inquiétant plaisir par Benoît Dagenais, Dominique Leduc, Stéphane Demers et Nathalie Claude.

Volontairement indigeste, ce Buffet chinois nous propose plusieurs niveaux de lecture pour parler d'intolérance, de haine, d'individualisme et de surconsommation, toutes des valeurs nord-américaines que nous embrassons bien souvent malgré nous.

Le metteur en scène, Jean-Frédéric Messier, n'y va pas avec «le dos de la main morte», comme dirait un collègue. Mais il a saupoudré cette sombre histoire, qu'il a lui-même qualifiée d'insupportable, de quelques cristaux d'humour (présents dans le texte), qui allègent les 20 tableaux jusqu'à nous faire sourire.

Ensemble, l'auteure et le metteur en scène donnent une teinte très beckettienne à ce drame philosophique absurde. Les personnages n'attendent pas Godot, mais ils guettent la fin du monde à l'horizon. Qui finit par venir. Et emporter tout ce qui reste de cette famille creuse, y compris son VUS.

Répliques cruelles

Tout ce périple tourne autour du personnage de Choupette, mouton noir de la famille, qui refuse le dogme des mots imposé par ses parents. C'est que le dictionnaire est la bible de ce petit clan qui ne jure que par le sens exact des mots. Façon de décrire le monde en noir ou en blanc.

Nathalie Claude, au sommet de son art, qu'on a vue récemment dans sa création Le salon automate, joue (et chante) parfaitement ce rôle d'ado révoltée; dégoûtée par le vide qui se cache derrière les mots de ses parents et de son frère, qui ne pensent qu'à une chose: consommer.

Les répliques sont d'une cruauté inouïe, et finissent par nous étourdir, avant de nous mettre K.-O. Si le talent de l'auteure Nathalie Boisvert est évident, certains passages demeurent opaques. Comme la présence de ce personnage appelé L'enfant, qui est témoin des sévices subis par Choupette et qui lui apparaît tel un archange.

Notons également la forte présence de Benoît Dagenais dans le rôle du père, qui interprète avec beaucoup d'adresse et de conviction cet homme habité par une folie qui lui fait dire et commettre les pires atrocités.

Finalement, ce Buffet chinois, inspiré de la gouvernance de George W. Bush aux États-Unis, est de ces pièces qui divertissent tout en dérangeant, mais surtout qui dérangent. Ce qui est un peu la marque de Momentum.

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Buffet chinois, de Momentum, jusqu'au 22 mai à Espace GO.