Le TNM ne semble pas au bout de ses peines avec sa production Et Vian! dans la gueule, actuellement à l'affiche. Après avoir dû en remplacer l'interprète principal à trois semaines seulement de la première, le théâtre doit maintenant composer avec le mécontentement du Groupe Audubon.

Les comédiens membres de cette compagnie disent se sentir «blessés» et «lésés» par la présentation au TNM d'un spectacle qui reprend le titre et une partie du contenu de celui qu'ils ont créé en 1995 et qui leur a valu le prix de la Révélation de l'année au gala des Masques en 1998.

«Le spectacle qui s'appelle Et Vian! Dans la gueule est à nous et non pas à Carl Béchard», affirme Claude Gagnon, l'un des membres du Groupe Audubon. Le metteur en scène Carl Béchard, maître d'oeuvre du collage de textes de Boris Vian présenté au TNM, avait aussi mis en scène celui créé pour les jeunes comédiens du Groupe Audubon il y a 15 ans. Les deux spectacles s'appuient sur un montage de textes, de poèmes et de chansons de Boris Vian, dont la colonne vertébrale est Le goûter des généraux.

Claude Gagnon et ses collègues ont appris quelques jours seulement avant le dévoilement de la programmation du TNM, l'an dernier, qu'un spectacle intitulé Et Vian! Dans la gueule allait être présenté. «Tout ça a été fait dans notre dos», dit-il. Le Groupe Audubon a fait savoir son mécontentement dans une lettre notamment envoyée en juin 2009 à la directrice artistique de l'institution, Lorraine Pintal, et pris des avis juridiques. «On était en droit de faire stopper complètement le spectacle, parce que c'est notre titre et qu'on en était vraiment le producteur», allègue Claude Gagnon. Ils n'auraient finalement pas intenté de recours pour ne pas se «mettre à dos le TNM».

Annie Gascon, directrice des communications du TNM, reconnaît qu'il y a eu mésentente sur le titre, mais affirme que le spectacle actuellement présenté constitue un nouveau montage «très, très différent» de ce qui a été présenté en 1995. «Pour nous, il n'y avait pas de problèmes de droit d'auteur», dit-elle. Une avocate consultée par La Presse affirme toutefois qu'il est possible de faire valoir ses droits sur un titre, s'il peut susciter la confusion entre deux oeuvres. De ce point de vue, la paternité du titre Et Vian! Dans la gueule, qui s'appuie sur les textes du même auteur, avec le même metteur en scène, la même chorégraphe et le même compositeur, pourrait être débattue en cour.

Annie Gascon, souligne que le TNM ne nie pas l'histoire de Et Vian! Dans la gueule et que l'existence de la «version» du Groupe Audubon est mise en valeur dans le programme de la soirée, tout comme dans l'Emporte-pièce, programme annuel du théâtre. Photos à l'appui, d'ailleurs. Or, la propriété de ces images, tirées d'une vidéo tournée au milieu des années 90, ne fait pas consensus non plus. Le Groupe Audubon s'en dit propriétaire et affirme que le TNM ne lui a pas demandé la permission de les publier.

Lorraine Pintal dit que son théâtre est en général «très rigoureux» en ce qui a trait aux droits de propriété intellectuelle et affirme qu'elle est disposée à ajouter un encart dans la programme pour préciser le nom des ayant droits et «régler avec eux ce que ça coûte». La directrice artistique du TNM trouve toutefois que les membres du Groupe Audubon «réagissent très tard» compte tenu que l'Emporte-pièce a été publié au début de la saison 2009-2010.

Patrice Dubois, autre ancien du Groupe Audubon, a lui aussi tenu à manifester son désaccord. Sur le blogue du Théâtre PàP (www.theatrepap.com/blogue2), compagnie qu'il codirige aujourd'hui, il est revenu sur la création de Et Vian! Dans la gueule «une aventure qui a duré des semaines, des mois, des années». Il n'insiste pas tellement sur la propriété intellectuelle. «Il est question cependant d'une certaine éthique qui a été délaissée, bafouée», écrit-il.