Passer sa vie à faire parler et bouger des marionnettes, c'est déjà afficher sa marginalité. Ronnie Burkett le fait depuis trois décennies, essentiellement passées à créer ses propres marionnettes à fils et ses propres histoires. L'artiste canadien réaffirme pourtant sa singularité avec sa plus récente création, Billy Twinkle, Requiem For A Golden Boy, où ses petits personnages doivent partager la scène avec un acteur: lui.

La place qu'occupe Ronnie Burkett dans son spectacle présenté à la Place des Arts constitue d'emblée un sujet d'étonnement. Son Billy Twinkle, c'est d'abord lui qui l'incarne. Il donne corps et vie, dès la première scène, à ce brillant marionnettiste oeuvrant sur un bateau de croisière qui est viré pour avoir insulté des spectateurs. Ce n'est qu'à la faveur de retours dans le temps que des marionnettes représenteront Billy à différents moments de sa vie.

Billy Twinkle, c'est d'abord une histoire cousu de fil blanc: celle d'un créateur qui perd la foi en son art et qui, confronté au fantôme de son mentor, la retrouvera peut-être. Sous ses apparences de fable «disneyesque», ce spectacle parle toutefois de choses bien plus sérieuses et ce, d'une manière délirante qui mêle autodérision, ironie, poésie et «bitcheries» savoureuses. Ronnie Burkett ne tourne pas sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, non.

Billy Twinkle raconte bien sûr un parcours artistique, celui d'un jeune homme originaire d'un trou perdu de la Saskatchewan qui rêve de devenir marionnettiste. Ce n'est pas son seul désir qui sort de l'ordinaire dans son petit village: Billy, on le découvre tôt, préfère les garçons. Ces deux éléments, raccordés par un texte truculent, permettent à Ronnie Burkett de parler de l'attrait qu'exercent les États-Unis sur les artistes canadiens, d'inspiration et de transmission de connaissances, de confronter art dit «mineur» (le cabaret, la marionnette) et «majeur» (Shakespeare), mais aussi d'aborder la question de l'homophobie.

On l'aura compris, c'est d'abord le propos qui est mis de l'avant dans ce spectacle de près de deux heures (sans entracte, mais avec des longueurs), en anglais, que Ronnie Burkett livre d'un débit très rapide. Sa performance d'acteur-conteur est époustouflante, mais elle relègue toutefois au deuxième plan les prouesses techniques. L'éblouissement attendu sur ce plan ne vient malheureusement pas.

Le filon de la marionnette qui manipule une autre marionnette s'avère peu exploité et moins impressionnant que prévu. La magie opère néanmoins dans un certain nombre de scènes clés dont un striptease, une scène de drague qui suscite le malaise, une chicane de ménage, ainsi qu'un numéro loufoque centré sur un pépé qui, visiblement, n'a pas besoin de Viagra!

Ronnie Burkett est un comédien efficace dans le registre qu'il exploite, c'est-à-dire le burlesque. Or, c'est encore lorsqu'il s'efface derrière ses marionnettes pour mieux leur prêter sa voix et leur insuffler l'illusion de la vie que son propos et sa proposition artistique trouvent leur pertinence.

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Jusqu'au 1er mai, en anglais, à la Cinquième salle de la Place des Arts. Recommandé pour les 14 ans et plus.