Pour conclure sa résidence de création au Théâtre d'Aujourd'hui, le Théâtre Debout, mené par son triumvirat - l'auteure Fanny Britt, le metteur en scène Geoffrey Gaquère et la comédienne Johanne Haberlin - nous propose un «suspense psychologique», dont le personnage principal souffre... d'anxiété.

Comme pour sa précédente création, Hôtel Pacifique, Fanny Britt sonde les profondeurs (et la superficialité) de l'âme humaine, en se penchant cette fois sur la vie d'une animatrice de télévision populaire, Élisabeth Racine (surnommée Bébé), qui souffre d'anxiété chronique.

Cette Bébé, accablée d'une profonde solitude, dialogue avec les spectres de sa mère (morte) - interprétée par Josée Deschênes - et de son amoureux (qui l'a quittée) - Steve Laplante. Elle fera la rencontre d'une jeune femme lumineuse, Ileana (Alexia Bürger), que tout oppose. L'agent de Bébé, Raymond (Christian Bégin), complète la distribution.

Fanny Britt l'avoue d'emblée. Le personnage d'Élisabeth (interprété par Johanne Haberlin), c'est elle. Les crises d'anxiété, de peur et de panique en public, elle connaît. Ce mal-être exacerbé dans les moments difficiles, elle a dû le combattre quotidiennement. Aujourd'hui, elle va beaucoup mieux, nous assure-t-elle (rires nerveux) grâce à la présence de son garçon de 7 mois, Hippolyte.

«Je ne veux pas être trop complaisante pour ce personnage, parce qu'au fond, l'anxiété est une maladie de luxe, confie l'auteure de Honey Pie et Couche avec moi, c'est l'hiver. Quand le plafond te tombe sur la tête, tu n'as pas le loisir d'être anxieux. Tu sauves ta peau! Je veux dire que c'est une maladie profondément narcissique. On nous dit tout le temps de s'occuper de soi, mais on s'occupe bien trop de soi!»

Cette Enquête sur le pire fait référence à tous les chemins qui mènent le personnage principal à la pire des situations. «Il y a bien sûr une intrigue que je ne peux révéler, nous dit le metteur en scène Geoffrey Gaquère. Mais elle a envie de se sortir de sa situation, en dépit des circonstances. Elle ne veut pas sombrer, ça c'est clair.»

«Le bonheur est devenu un impératif, s'indigne Fanny Britt. On nous dit même que les optimistes sont en meilleure santé que les pessimistes. Tu t'imagines le stress! Non seulement je suis anxieuse, mais si je continue de l'être, je vais être en moins bonne santé!

«La société nous commande d'être heureux, poursuit l'auteure, mais véhicule des moyens totalement faux pour y arriver: l'image, le succès, la consommation, l'importance d'être bien dans sa peau. Qu'est-ce que ça veut dire, être bien dans sa peau? Souvent, c'est d'être complaisant envers soi-même, et je refuse ça catégoriquement. C'est ce qui me condamne à l'anxiété!»

Pour cette nouvelle mise en scène, Geoffrey Gaquère (Hôtel Pacifique, Silence radio) mise avant tout sur le texte de Fanny Britt. Décrivant les scènes comme de petits haïkus de rencontres. L'action se situe dans le loft de l'animatrice, dans une tour d'habitation où elle se trouve d'une certaine façon isolée, enfermée.

«J'ai tenté de faire ressortir les tensions entre les personnages», confie Gaquère qui s'en remet à la rythmique du texte. Il y a à peine trois semaines, il a décidé de rajouter une voix narrative hors champ (la sienne) inspirée des didascalies de l'auteure.

«Ces didascalies, on les a tous trouvées très poétiques, explique-t-il. Plus que des indications scéniques, ce sont des indications d'atmosphères. Comme une voix intérieure qui se prononce sur les états d'âme des personnages. Et qui situent en même temps le spectateur.»

Enquête sur le pire, à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui, du 20 avril au 8 mai.