L'air de Paris est chargé en l'an 1572. Parfums de complots, effluves d'amours clandestines et odeur de massacre flottent dans les couloirs du Louvre. Dumas père en a pris une grande bouffée, qu'il a expirée sous la forme d'un roman haletant, La reine Margot, maintenant transposé sur les planches par une metteure en scène de Québec.

L'image qui s'impose d'emblée lorsqu'on évoque La reine Margot est celle du visage pâle d'Isabelle Adjani. Le roman de Dumas père a en effet surtout vécu ces dernières années à travers le magnifique film que Patrice Chéreau en a tiré au milieu des années 90. À la vision de l'homme de théâtre et cinéaste français s'ajoute maintenant celle de Marie-Josée Bastien, auteure de l'adaptation qui prend l'affiche la semaine prochaine au Théâtre Denise-Pelletier.

 

La reine Margot s'attarde à deux années dans la vie de Marguerite de Valois, de son mariage à Henri de Navarre en août 1572 à la mort de son frère Charles IX, roi de France. Secoué depuis longtemps par les guerres de religions, le royaume est sous haute tension au moment de la noce.

L'union d'une princesse catholique à un roi protestant, loin de calmer les esprits, provoque une explosion de haine. La nuit de la Saint-Barthélémy, le 24 août, des milices catholiques entreprennent le massacre des huguenots (protestants français). Cet épisode tragique de l'histoire de la France constitue une matière dramatique riche. «C'est palpitant, c'est vraiment comme une télésérie d'époque», dit Marie-Josée Bastien, à propos du roman de Dumas, dont elle souligne la qualité des dialogues.

Son adaptation s'intéresse bien sûr aux principaux acteurs du drame: Margot (Marie-Ève Pelletier), Navarre (Simon Rousseau), Catherine de Médicis (Danielle Lépine) et Charles IX (Jonathan Gagnon). Hors de la sphère politique, elle s'attache aussi aux amours des uns et des autres, ainsi qu'à l'amant de Margot, La Môle (Guillaume Perreault), et l'amitié improbable qu'il a développée avec Coconnas (Éliot Laprise) - l'un est catholique et l'autre, protestant.

La balance du pouvoir

«Avant de parler d'amitié et d'amour, c'est une pièce qui parle du pouvoir qui passe d'une main à l'autre», estime Marie-Ève Pelletier. Ce qui a incité Marie-Josée Bastien à la construire comme une course à relais: 52 scènes, parfois très courtes, qui s'enchaînent dans un mouvement rapide et qui ne laissent jamais le plateau vide. «Il y a toujours un personnage qui reste sur scène et des gens qui épient, révèle-t-elle. Je voulais que ça bouge, que la tension se promène.»

Pour la metteure en scène, La reine Margot a quelque chose de l'échiquier. Un univers codé où chacun élabore des stratégies pour prendre le dessus sur l'autre... ou simplement éviter de se faire couper la gorge dans un tournant. Pour évoquer cet univers de suspicion et d'espionnage, elle a opté pour des éclairages inspirés des clairs-obscurs qu'on peut admirer dans les tableaux de George de La Tour.

Tout le reste repose sur les acteurs, leurs gestes, leurs corps et les pulsions des personnages qu'ils incarnent. Ce qui en fait un spectacle très sensuel, comme on l'a relevé à Québec, où il a été présenté au début de l'année. «Tout passe par le corps, tout est charnel parce qu'il n'y a rien d'autre, constate Marie-Ève Pelletier. C'est le tourbillon de l'Histoire qui passe à travers nos corps.»

La reine Margot, du 24 mars au 21 avril au Théâtre Denise-Pelletier.