C'est jour de fête à Espace Go. Porc-épic, mis en scène par Patrice Dubois, se déroule en effet le jour de l'anniversaire de Cassandre. Or, ce qu'il y a célébrer, c'est moins la naissance de cette fille esseulée qui joue à la majorette du bonheur que celle d'un dramaturge à la plume alerte et à l'imagination vive: David Paquet.

Sa pièce, déjà présentée au Mexique et en Belgique, met en scène des êtres tiraillés entre leur besoin d'amour et la crainte d'être rejeté. D'où cette allégorie empruntée à Schopenhauer: quand ils ont froid, les porcs-épics se rapprochent pour se réchauffer, mais se... piquent. Alors ils s'éloignent, puis recommencent quand les frissons reviennent.

Soif d'amour qui ne demande qu'à être étanchée, orgueil blessé, cruauté envers l'autre, besoin d'espoir, le propos de David Paquet n'est pas nouveau. Mais, comme chacun sait, tout est dans la manière. La sienne a du bagout, de l'humour et une touche de poésie surréaliste, bref, elle a du panache. Pour notre grand plaisir, elle a trouvé chez Patrice Dubois une connivence qui s'affiche dans une mise en scène surprenante et délicieusement fantaisiste.

Porc-épic repose d'abord sur des personnages originaux, dont une femme enceinte désabusée qui fume pour plaire à son bébé (Dominique Quesnel) et un puceau (Jean-Pascal Fournier) qui vomit, tremble ou saigne du nez à l'évocation de l'être aimé. Ces drôles de bizarres, auxquels il faut ajouter un couple pathétique (Antoine Bertrand et Geneviève Schmidt), se croisent autour de Cassandre (Marika Lhoumeau), qui répète «Bonne fête qui? Bonne fête moi!» comme une formule magique capable de conjurer sa solitude.

Ce qui lie tout ça? Un imaginatif dispositif scénique s'apparentant à une pièce montée colorée de la scénographe Nathalie Trépanier, la verve de l'auteur et le sens de l'humour du metteur en scène. Patrice Dubois attrape au vol les idées les plus folles du dramaturge (un bébé qui passe d'un ventre à un autre, comme l'espoir qu'on se vole; un four magique) et les exploite à fond dans une mise en scène qui emprunte efficacement à plusieurs formes de comique.

D'une scène à l'autre, on passe de l'absurde pince-sans-rire évoquant Saïa et Meunier, au (presque) burlesque, puis à l'humour punché des sitcoms. Cet agencement de couleurs agit comme un révélateur sur un texte riche en symbole. On rit souvent jaune lorsqu'il est question de relation amoureuse au théâtre, mais ici, le rire est franc, libérateur, sans que l'aspect dramatique de cette comédie existentielle n'en prenne ombrage.

On sent encore un peu trop la présence de l'auteur derrière certaines scènes plus sérieuses - peut-être craint-il qu'on ne saisisse pas le sérieux de son propos - et il commet aussi quelques maladresses, dont une blague intestinale vraiment inutile. Des broutilles compte tenu de son talent d'architecte et son inspiration. Sa plume allumée pourrait d'ailleurs donner de l'esprit à bien des humoristes en mal d'idées.

Une partition aussi colorée représente tout un défi pour les comédiens, sa vérité reposant paradoxalement sur un jeu décalé. Le risque d'en faire trop est omniprésent, mais tous gardent le cap. Marika Lhoumeau et Dominique Quesnel offrent des prestations particulièrement remarquables dans cette réjouissante pièce montée des grands jours.

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Jusqu'au 13 mars à Espace Go.