Michel de Montaigne et son ami Étienne de La Boétie qui se promènent en calèche dans le Vieux-Québec; la marionnette Loup bleu qui devient le secrétaire de Montaigne; les états généraux qui prennent la forme d'un appel conférence (de type Skype) entre Montaigne, le duc de Guise, Catherine de Médicis, Henri de Navarre et le roi Henri III pour mettre fin aux guerres entre catholiques et protestants.

Les essais, d'après Montaigne est un bien drôle d'objet théâtral, porté à l'écran avec une belle folie par Marco Dubé et le Sous-marin jaune, qui multiplient les anachronismes et rendent amusante l'histoire du XVIe siècle. Le film, parfois raboteux, fait néanmoins résonner les mots de Montaigne, grand humaniste français qui prônait la tolérance.

Hautement absurde, avec des revirements inattendus et de fantastiques trouvailles scénographiques, la pièce-film coécrite par Loup bleu et Michel Tanner souffre peut-être un peu de la densité de son contenu. Elle parvient toutefois à capter l'attention du public avec des épisodes comme le massacre de la Saint-Barthélemy et les complots politiques de l'ultra-catholique duc de Guise. Ce qui n'est pas un mince exploit.

Dès la première scène, Loup bleu met la table pour ce théâtre-cinéma ou ce cinéma-théâtre, dont il est l'une des vedettes. «Puisque les médias nous manipulent, manipulons les médias!» nous lance-t-il en se félicitant de ce choix artistique ambigu.

Il en profite pour nous remettre dans le contexte de ce XVIe siècle marqué par des années de guerres civiles et de religion. Il termine son laïus en dédiant le spectacle à Joe Strummer, des Clash, et au pape Benoît XVI!

Figurants miniatures

Un grand écran suspendu au-dessus de la scène projette donc ce film muet (tourné à Québec en 2008) qui met en scène tous les figurants miniatures de cette histoire éminemment politique: marionnettes, personnages en carton, en glaise, poupées et autres Barbie, tous habilement manipulés, filmés sous toutes leurs coutures.

Juste en dessous, les comédiens doublent les personnages, narrent l'histoire. Antoine Laprise (Loup bleu) joue également de la batterie, Jacques Laroche (La Boétie, entre autres), qui signe la mise en scène, y va de quelques riffs de guitare et de savants effets de bruitage. C'est que le XVIe siècle était rock'n'roll, insiste Loup bleu. Guy Daniel Tremblay (Montaigne), Annie Darisse et Beatrix Ferauge (excellente) complètent la distribution.

Le résultat est toujours étonnant, même s'il n'est pas toujours aisé de se situer dans ces tableaux multimédias. Notre regard se pose naturellement sur les comédiens qui sont à l'avant-scène, sauf que parfois, c'est vraiment l'écran qu'il faut regarder. Déroutant par moments.

La vie de Montaigne défile au rythme de l'Histoire qui se joue. On retrace des bribes de son enfance, de son amitié avec La Boétie, de son rôle de conseiller et de maire. La rédaction de ses fameux Essais ponctue ce récit chronologique touffu qui nous fait rire assurément, mais qui aurait pu être un peu moins bavard, question de nous faire réfléchir sur l'essentiel de la pensée de Montaigne, avec peut-être moins de distractions.

Attention, il s'agit bel et bien d'une pièce pour adultes. Ne vous faites pas berner par Loup bleu, subversive marionnette philosophe qui en connaît un rayon sur l'histoire de la Renaissance et qui vous fera regretter d'avoir séché vos cours de philo pour passer l'après-midi avec...

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Les essais, d'après Montaigne, du Sous-marin jaune. En coproduction avec La Fabrique de théâtre, le Théâtre de l'éveil, le TJP Strasbourg et le Théâtre de la bordée, à Québec. Au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 6 mars. Supplémentaires les samedis 20 et 27 février, ainsi que le samedi 6 mars à 15 h.