Poussés par la nostalgie, ou un producteur convaincant, de nombreux chanteurs ou groupes pop des années 80 ou 90 ont tenté un retour ces dernières années. Les plus sages l'ont fait pour une histoire d'un soir et sans arrière-pensée. D'autres ont osé une compilation ou un nouvel album. Madame, qui a connu du succès avec des chansons comme Propriétaire, Où est passé Roger? et Persona Non Grata il y a environ 20 ans, n'a aucun plan du genre.

«Je n'ai aucune nostalgie de cette époque», assure d'ailleurs Michel Gatignol, ce Bleuet à l'accent français qui a fondé Madame en 1982, à Alma, avec les guitaristes Jacques Marchand et Roger Boudreault. L'aventure a duré 15 ans, le temps pour eux de publier cinq disques et de remporter deux fois le Félix du groupe de l'année.

Arrêter la scène n'a pas été facile («Il y a eu un deuil à faire», admet-il), mais il s'estime surtout chanceux d'avoir vécu tout ça. L'ancien chanteur, qui travaille principalement à titre de traducteur et adaptateur dans le domaine du doublage, s'est de toute façon trouvé un nouveau terrain de jeu où exploiter sa plume et son sens de l'humour grinçant: le théâtre. Il a déjà écrit trois pièces depuis qu'il a tâté de l'écriture dramatique pour la première fois «il y a huit ou neuf ans» dans le cadre des soirées Théâtre Libre organisées au Lion d'or.

Comme ses autres textes, Portalaphrapon a été créé au Fringe. «J'y suis abonné», rigole-t-il. Et apprécié, semble-t-il, puisque cette amusante pièce articulée autour d'un metteur en scène hystérique lui a valu le prix du meilleur texte en français, en 2006. Trois années plus tôt, Michel Gatignol avait par ailleurs signé l'adaptation du Songe d'une nuit d'été mis en scène par John Strasberg à l'Amphithéâtre au coeur de la forêt à Saint-Mathieu-du-Parc, en Mauricie.

D'abord pour rire

Portalaphrapon - «on frappe à la porte» en verlan -, c'est du théâtre qui s'amuse aux dépens du théâtre. L'action se déroule pendant et en marge de la répétition d'une pièce articulée sur le thème de la porte, un projet aussi vague qu'absurde qu'un metteur en scène manipulateur (Nicolas Duxin) justifie à coups de théories vaseuses. Le vilain personnage se plaît à démolir ses acteurs et en particulier cette Hortense (Monelle Guertin) qu'il attire pourtant dans son lit.

Michel Gatignol admet que la trame de cette pièce s'inspire de choses qu'il a vues ici et en France ou que des amis du milieu lui ont rapportées. Il ne nie pas se moquer d'un certain théâtre «cérébral» et du discours qui l'entoure, mais affirme que son intention première était de mettre au jour les luttes de pouvoir qui se déroulent dans ce milieu très compétitif qu'est le théâtre.

«Ce n'est pas une charge», précise toutefois l'auteur. Il ajoute qu'il aurait pu camper ce rapport de force dans un tout autre milieu. Le placer dans le monde du théâtre lui permet toutefois visiblement d'aller plus loin, de tourner la situation au ridicule et même de friser l'absurde. «Mais c'est pour rire avant tout», répète-t-il plusieurs fois au cours de l'entrevue.

Ce goût pour la caricature et l'ironie, il l'avait déjà à l'époque de Madame, bien entendu. Il croit que l'humour est un outil qui permet d'exercer son sens critique et c'est pourquoi il aime tant Chaplin. «Il arrivait à faire quelque chose que tout le monde comprenait, mais qui tirait tout le monde vers le haut plutôt que de niveler vers le bas, dit-il. Arriver à faire une critique de la condition humaine à travers le rire, c'est quelque chose.»

Michel Gatignol avoue qu'il y a un peu de lui dans son personnage de metteur en scène. Au-delà du plaisir, c'est une certaine soif de contrôle qui l'incite à se charger de transposer son texte sur les planches. «D'avoir fait de la musique m'aide beaucoup dans la mise en scène, assure-t-il. Il y a une musique dans le texte et, dans le travail avec les comédiens, je cherche d'abord à entendre cette musique-là.»

Il a d'ailleurs été un brin échaudé par l'expérience du Songe d'une nuit d'été. «J'avais entendu une musique en travaillant le texte et ce n'est pas celle que j'ai retrouvée dans le spectacle. J'étais extrêmement frustré!» se rappelle-t-il en souriant. Monter lui-même son adaptation de Shakespeare est d'ailleurs l'un des projets qu'il caresse. «Pour prendre ma revanche, lance-t-il en riant. Une douce revanche.»

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Portalaphrapon de Michel Gatignol, du 20 au 31 octobre