La Maison Théâtre a démarré en force sa nouvelle saison, vendredi dernier, avec une étonnante adaptation d'Alice au pays des merveilles, créée par Hugo Bélanger pour le Théâtre La Roulotte à l'été 2006, puis reprise dans sa version actuelle en février 2008 au Théâtre Outremont. Toujours avec les mêmes acteurs, pour la plupart de jeunes diplômés de 2006.

Mais comment réinventer ce conte de Lewis Carroll - vieux de 150 ans - maintes et maintes fois adapté à la télévision et au cinéma (on attend d'ailleurs l'adaptation de Tim Burton en 2010)? Hugo Bélanger s'est manifestement replié sur le conte original, ode à l'imagination d'une petite fille qui en a assez d'étudier ses leçons. «J'avais envie de montrer le pouvoir des livres, la magie de la lecture», a confié le comédien et metteur en scène au cours d'un bref entretien.

Quel est encore ce pays des merveilles? Les livres, bien sûr! Les personnages fantasques! Tout ce qui est le fruit de notre imagination, en somme. La petite Alice, assommée par ses cours de mathématiques, de musique, de sciences, etc., cherche désespérément une issue pour nourrir son imagination. Elle plonge donc dans des livres d'histoires extraordinaires comme autant de promesses de rêves interdits.

C'est là qu'elle fait la découverte d'un lapin, d'un oeuf, d'un ver à soie qui fume, d'un chat qui se démantibule, d'un chapelier fou, d'un chasseur de snark, d'un jeu de cartes complet avec une reine de coeur «vindicative», qui fait décapiter les membres de sa cour pour des broutilles. Les personnages des contes sont décidément plus subversifs qu'on ne croit...

Le metteur en scène Hugo Bélanger (La princesse Turandot) met en place un ingénieux dispositif scénique pour narrer cette histoire anticonformiste. Une grande bibliothèque murale remplie de livres (petits, moyens et grands) sert de décor et occupe toute la scène. C'est là qu'Alice fait la rencontre du lapin blanc, et c'est en le suivant pour lui remettre ses gants qu'elle est projetée au pays des merveilles.

Évidemment, chacun des personnages qu'elle rencontre ouvre une porte de son imagination. Les jeux de mots et autres calembours fusent. Ce qui n'empêche pas les plus jeunes spectateurs d'apprécier le spectacle. Comme lorsque Alice cherche en vain une sortie pour rentrer chez elle. Son ami le lapin lui dit: «Passe par la porte.» Après avoir cherché autour d'elle, Alice met la main sur un grand livre intitulé: La porte, qu'elle déplie et accroche sur la bibliothèque. Bien sûr! Il suffisait d'y penser...

Bélanger utilise la bibliothèque pour faire apparaître et disparaître tous ses personnages, plus étranges les uns que les autres. L'effet est réussi. L'oeuf qui tient en équilibre tout en haut de la bibliothèque (Humpty Dumpty) est un moment fort de ce spectacle d'à peine une heure qui se déroule à un rythme accéléré.

Pour interpréter ces personnages, Hugo Bélanger, fait bon emploi des masques et des marionnettes, qui donnent beaucoup de relief à ses créations de l'esprit. On reconnaît là la marque de celui qui a participé (comme comédien) à la folle équipée des Sages fous, cette compagnie de théâtre forain de masques et de marionnettes en liberté qui fait tourner depuis huit ans deux brillantes créations, Paradissimo et Bizzarium.

Les comédiens, qui interprètent chacun au moins trois rôles (à l'exception d'Alice), sont solides, et l'on sent chez eux une réelle unité de jeu, eux qui ont entamé l'an dernier une petite tournée québécoise de cette pièce. Mentions spéciales à Gabriel de Santis-Caron dans son rôle de Humpty Dumpty, à Josiane Dicaire, qui fait une reine de coeur intraitable, et à Valérie Deault, qui défend bien le rôle d'Alice, même si on l'aurait souhaitée un peu moins naïve, un peu plus mordante.

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Alice au pays des merveilles, du Théâtre Tout à trac, à la Maison Théâtre jusqu'au 4 octobre. Pour les enfants de 6 à 10 ans.