Je ne parlerais pas de déception. Cependant, je n'ai pas vécu tous les chocs artistiques que nous avaient promis les artisans du FTA, pendant ces deux semaines où le public montréalais a pu goûter à ce que la création contemporaine a de mieux à offrir.

The Sounds of Silence (du Nouveau théâtre de Riga), spectacle d'ouverture du FTA, a tout de suite imposé le ton qu'allait prendre ces 16 jours surtout faits de sympathiques trouvailles, de légèreté et de sourires en coin.

De ce tableau de trois heures sans dialogues, sur une trame musicale de Simon&Garfunkel, on retient la fantaisie et la poésie qu'a su esquisser Alvis Hermanis. Certains ont trouvé anecdotique la proposition d'évoquer les idéalistes sixties à la manière d'un film de famille avec looks rétro, minijupes, amours libres et autres utopies. Quant à moi, j'ai trouvé The Sounds of Silence plutôt ingénieux et franchement rafraîchissant. Une impression que j'ai d'ailleurs ressentie pendant plusieurs shows du FTA.

Zachary Oberzan, le délirant acteur solo de Rambo Solo qui, dans la salle intime de l'Espace GO, nous a narré avec fougue l'histoire de First Blood, mérite une mention d'honneur dans la catégorie «champ gauche». Imaginez un mec qui, de la station Montmorency jusqu'à Côte-Vertu, offre une version toute personnelle des péripéties du célèbre guerrier immortalisé par Sylvester Stallone. C'est à peu près ce qu'Oberzan a voulu recréer sur scène, avec en prime des projections vidéo captées dans ce qui semble être son propre appart.

L'opéra paysan de la bande de Hongrois de la compagnie Béla Pintér nous a aussi fait passer un agréable moment, sans pour autant nous renverser par son innovation. Une musique live efficace, une histoire de villageois truffée de liens incestueux et de rebondissements invraisemblables et grotesques, une forme qui revisite avec un humour franc le folklore et la fête populaire... Un spectacle réussi, qui ne payait pas de mine.

Sur le plan de la recherche esthétique, la palme va à Denis Marleau et sa vision «technologique» d'Une fête pour Boris, de Thomas Bernhard. Une mise en scène axée sur l'absurde et l'étrangeté, ainsi que la présence de Christiane Pasquier dans le rôle d'une reine cruelle, ont intensifié l'humour noir et sans pitié de ce texte de Bernhard.

Avec son adaptation pour la scène de Douleur exquise de la photographe conceptuelle Sophie Calle, Brigitte Haentjens a offert à Anne-Marie Cadieux un rôle d'endeuillée amoureuse, à la mesure de son talent. Du même coup, Haentjens nous a procuré l'un des moments les plus intenses et jouissifs de ce troisième FTA.

Cette ode à la douleur était le prélude parfait pour la pièce de résistance du festival: le troublant Questo buio feroce de l'Italien Pippo Delbono. Les spectateurs sortant de la salle de l'Usine C, le soir de la première, étaient tous dans le même état de choc et de grâce. Dans ce bal des spectres et des survivants, triomphaient la beauté et la vie. Une émotion pure.

Furetant du côté de la danse-théâtre, j'espérais plus de L'orgie de la tolérance de Jan Fabre. Bien franchement, sa provocation extrême m'a laissée de marbre. Quant à l'Éonnagata de Lepage-Guillem-Maliphant, sa beauté m'a envoûtée, mais la séduction, hélas, est éphémère...