Pas facile, la vie d'artiste quand t'es pas star... Pourtant, quand tout va bien, comme vendredi soir dernier à La Licorne, avouons qu'il doit faire bon être acteur! Parmi les spectateurs, de nombreux artistes ont répondu à l'invitation des Collègues précaires qui les mettaient en quelque sorte en vedette.

Le concept: sept courtes pièces de sept auteurs - un spectacle de 1h30 sans entracte - qui abordent la vie d'artiste sous différents angles. La vie d'artiste de l'intérieur, avec un regard parfois moqueur sur le métier d'acteur, cette drôle de bibitte qui se nourrit du regard que nous (le public) portons sur lui. Jaloux de ses collègues et centré sur lui-même. O.K. je simplifie.

Sept sketches donc, de moins de 15 minutes chacun, qui dépeignent les acteurs sous leurs plus beaux... et mauvais jours. Avec quelques vacheries bien envoyées. Comme ce comédien «raté» qui fait du théâtre «jeune public» ... Ou cette réplique assassine sur la critique, qui dit à peu près ceci: «Quand je veux me faire dire ce que je devrais faire, je lis Le Devoir.» Ouille!

La pièce d'ouverture, Hystérie, de Stéphane Roy, donne le ton. Un réalisateur hypocrite et flagorneur dirige son ex-femme dans une pub de tampon. Les deux protagonistes finissent par «péter leur coche» et s'envoyer les pires bêtises avant de finalement trouver la «bonne énergie» pour mener à bien leur tournage.

Toutes les pièces sont réussies grâce au jeu inspiré des quatre acteurs habilement dirigés par Philippe Lambert, qui mise avant tout sur leur performance, signant une mise en scène assez minimaliste. Et un excellent choix de chansons entre les pièces. Normand D'Amour, Geneviève Alarie, Marilyse Bourque et Philippe Provencher sont tous solides et démontrent un impressionnant registre de jeu.

Philippe Provencher, l'idéateur de J'aurais voulu être un artiste - et cofondateur des Collègues précaires avec son amoureuse, Marilyse Bourke - se tire très bien d'affaires même si, comme lui dit un des personnages, il n'a pas «une tête facile»! Le moins connu des quatre acteurs nous fait la preuve qu'on peut être bon même si on ne joue pas dans Virginie.

Mention spéciale à Normand D'Amour, délirant dans un monologue sur le métier de producteur (sublime texte de Jean-Marc Dalpé), qui fait ressortir tout le côté putassier des producteurs (ne généralisons pas quand même...) Autre moment fort de la soirée, la pièce de Maia Loïnaz, Les escargots, qui donne cette fois la parole aux spectateurs.

Loïnaz fait le récit d'un couple qui revient du théâtre. Lui est bouleversé par ce qu'il a vu, au point de remettre en question sa relation. Elle (perfide Geneviève Alarie!) estime que c'est la pièce la plus «poche» qu'elle a vue de sa vie. Le quiproquo se termine par cette douce réplique de monsieur: «Ça ne se reproduira plus, mon amour, nous n'irons plus au théâtre.»

J'aurais voulu être un artiste se conclut sur un texte hilarant de Christian Bégin, Voulez-vous passer au salon, qui réunit le quatuor d'acteurs. Un notaire qui mène une vie ordinairement plate décide de surprendre sa femme en faisant appel à une compagnie de «Théâtre à la carte», qui envoie deux comédiens interpréter chez lui une pièce de théâtre. Je ne vous révèle pas le dénouement.

J'aurais voulu être un artiste évite le piège de ne s'adresser qu'à un public d'initiés, même si certaines références au milieu artistique ou autres clins d'oeil (genre: «Les pièces de Lepage sont toujours mal rodées au début...») exigent un minimum de connaissances, qu'ont de toute évidence les spectateurs qui vont au théâtre. Au final, convenons que ces artistes parfois si narcissiques ont autant besoin de nous que nous d'eux.

________________________________________________________________________________

J'aurais voulu être un artiste, des Collègues précaires. À la Licorne jusqu'au 20 juin.