Trois ans d'attente pour connaître la fin d'un feuilleton, c'est long. Je présume que tous ceux qui ont assisté à la première mouture de Lipsync de Robert Lepage (au FTA en 2007) étaient ravis d'apprendre que les Montréalais auraient enfin droit à la version finale de neuf heures. Ça se passera en février-mars 2010, chez Denise-Pelletier. Et j'en connais qui ont déjà commencé à compter les dodos...

Par contre, ceux qui n'étaient pas de ce spectacle événement dans lequel le thème de la voix humaine relie les destins de neuf personnages logés un peu partout sur le globe se montrent perplexes.

 

Neuf heures?

Oui, plus qu'un quart normal de travail. Et je suis certaine que même après le 18e entracte, on ne voudra pas quitter le Théâtre Denise-Pelletier.

Ce qui ne veut pas dire, évidemment, que tous les artistes de théâtre devraient se lancer dans la production de pièces fleuves, habités par la philosophie de Lepage qui pense que «plus on en ajoute, plus ça paraît court».

Il faut que ce soit bon. Et comme Lipsync l'était dans son état embryonnaire, tous les espoirs sont permis pour la version complète.

Notre rapport au temps, en tant que spectateur, est en mutation. Je suis de ceux qui peuvent se taper toute une saison de 30 Rock en un week-end - que dis-je? En une journée de pluie fériée! Par contre, les fourmis me prennent dans les jambes quand je suis au théâtre et que c'est, disons, moyen. C'est psychologique: si on me dit que le spectacle durera plus d'une heure trente, la bougeotte me prend...

Et pourtant, l'un de mes meilleurs moments au théâtre la saison dernière a été le marathon de trois pièces américaines dans une journée que le Théâtre de l'Opsis a présenté à l'Espace libre.

Je comprends aussi parfaitement l'émotion de ceux qui se trouvent privilégiés d'avoir vu Les sept branches de la rivière Ota. Et je suis certaine que les festivaliers d'Avignon s'arracheront les places pour la présentation en rafale de Littoral, Incendies et Forêts de Wajdi Mouawad. Les mêmes, peut-être, qui se tapent 10 heures de route pour assister à une pièce d'une journée d'Ariane Mnouchkine.

Le temps se dilate au théâtre, expliquait Robert Lepage, lors de la rencontre de presse où était annoncée la venue de Lipsync à Montréal. Tout le monde se plaint de manquer de temps, d'être pressé, de courir. C'est peut-être pour ça qu'il est si bon de se réfugier dans la noirceur d'un théâtre pour se faire raconter une histoire. Et quand c'est bon, on en redemande pendant des heures...

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