Le duel entre Antonio Salieri et Wolfgang Amadeus Mozart a inspiré à l'auteur anglais Peter Shaffer un texte tout en esclandres, en déchirement, en contrastes.

La première fois qu'il a été mis en scène, c'était à Londres, en 1979. Puis, Milos Forman a reçu une pluie d'Oscars pour sa version cinématographique du destin tragique de ce délinquant hilare, qui débarque à la cour avec sa fiancée déjantée et ses gros sabots.

Pour sa mise en scène d'Amadeus chez Duceppe, René Richard Cyr l'a épuré de ses fioritures et conservé l'essentiel de cette histoire inspirée de la rencontre entre le génie et l'honnête compositeur.

Autant la version cinématographique d'Amadeus était baroque, autant sa version théâtrale québécoise donne dans le minimalisme.

Une vaste scène inclinée porte comme seuls éléments de décors quelques meubles et des amas de chandelles. Michel Dumont s'acquitte convenablement de la tâche d'interpréter le «méchant» Salieri, le compositeur de la cour de l'empereur Joseph II qui est dévasté par l'arrivée d'Amadeus. Dans les costumes colorés de Mozart, Benoît McGinnis est égal à lui-même, c'est-à-dire excellent.

Guidé par Salieri, qui occupe ici une fonction de narrateur, on se laisse aisément entraîner dans la Vienne de 1781. McGinnis visite des zones de délire jovial pour ensuite plonger dans une détresse ténébreuse, dans son interprétation du musicien prodige que la vie, la cour et les vices ont détruit.

René Richard Cyr réalise ici un habile travail chorégraphique, en donnant aux choeurs des fonctions narratives qui font avancer l'histoire. Si bien que même si le décor minimaliste reste toujours immobile, cette adaptation riche en enjeux psychologiques n'est jamais statique.

Pendant toute la durée de ce spectacle de 2 h 30 (avec entracte), on a le sentiment d'assister à une oeuvre réglée comme du papier à musique. Des acteurs solides (mentionnons la présence juste de Robert Lalonde), un récit bien calibré, des costumes splendides d'extravagance, cette production se laisse aisément regarder. Seuls bémols: un peu plus de musique et un peu plus d'audace n'auraient pas fait de tort à cette mise en scène qui, somme toute, ne quitte jamais le registre du conventionnel.

Bref, peut-être trop obéissant et pas assez échevelé, pour une histoire de punk qui débarque à la cour.

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AMADEUS, texte de Peter Shaffer, mise en scène et traduction de René Richard Cyr, jusqu'au 6 juin au Théâtre Jean-Duceppe.