Loui Mauffette a été parmi les premiers à flairer la tendance. Et puis, le show Oxygène du metteur en scène d'origine bulgare Galin Stoev (au dernier festival TransAmériques) a confirmé qu'un vent de poésie rafraîchissait aussi les scènes d'ailleurs.

Semblerait que la brise poétique continue à prendre du souffle. De sorte que ce mois-ci, les spectateurs de théâtre montréalais ont le choix entre les mots de Lautréamont, Jean-Paul Daoust et Leonard Cohen. Slammée, criée, imagée ou offerte en toute délicatesse, la poésie se déploie au théâtre dans des formes qui n'ont plus rien à voir avec les poussiéreuses (et ringardes!) soirées de poésie d'antan.

Morte et enterrée, donc, l'époque où les happenings poétiques étaient associés à une bande de barbus expressifs qui gueulaient du Raôul Duguay entre deux verres de gros rouge qui tachent. «Ce n'est pas un récital de poésie, ni un spectacle littéraire», me confiait la semaine dernière Olivier Kemeid, parlant de sa mise en scène de Maldoror-Paysage.

Ce spectacle fait de collages d'extraits des Chants de Maldoror de Lautréamont est un exemple probant de la vague poétique qui inspire plusieurs jeunes metteurs en scène. Les jeunes acteurs de Maldoror-Paysage s'approprient Lautréamont avec une délirante désinvolture. Ils slamment, se déguisent, se lancent des mots en pleine figure, passent le poète au chinois avant de le faire revenir avec un peu d'oignon...

Rue Saint-Denis, chez Jean-Claude Germain, Marcel Pomerlo et André Perrier ont créé une intrigue théâtrale à partir de la poésie de Jean-Paul Daoust, poète de l'intensité. Quoi de plus inspirant qu'une existence de poète, pour composer un personnage qui crèvera la scène... «On a créé un personnage de théâtre qui s'appelle Jean-Paul, un être qui voudrait que chaque minute de son quotidien soit explosive et plus grande que nature, qui a besoin que la vie soit constamment comme le dernier jour», a dit Marcel Pomerlo.

Sur les charbons, deuxième «stonerie poétique» orchestrée par Loui Mauffette, est bien entendu le show poétique le plus attendu de la saison. Et pour cause: son désormais légendaire Poésie, sandwich et autres soirs qui penchent, né au Festival international de la littérature en 2007, a été encensé, repris, redemandé...

Qu'Éric Jean choisisse le nouvel assemblage poétique de Loui Mauffette, pour baptiser les nouveaux murs du Quat'Sous, est tout à fait dans l'air du temps. Et que de jeunes collaborateurs comme Francis Ducharme et Clara Furey sautent dans l'arène, fait la preuve que le théâtre crève d'envier de jouer avec les poètes.

C'est Rimbaud qui va se retourner de plaisir dans sa tombe.

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