Le Théâtre Debout a mis en marche sa résidence de deux ans au Théâtre d'Aujourd'hui avec beaucoup d'aplomb la semaine dernière. Il faut dire que la nouvelle pièce de Fanny Britt convenait parfaitement à la petite salle Jean-Claude Germain, qui a la particularité d'envelopper le spectateur et de le projeter littéralement dans la pièce.

Dès la première scène, le spectateur s'insinue donc, malgré lui, dans la vie intime de trois couples de l'hôtel Pacifique. Trois couples de trois générations, dans trois chambres d'hôtel, qui sont autant d'échappatoires, et qui se retrouvent face à eux-mêmes, penchant tantôt pour les apparences, tantôt pour la vérité... et l'éclatement. Une expérience de voyeurisme de masse, selon le metteur en scène Geoffrey Gaquère (sans nudité, je vous préviens).

Cet hôtel Pacifique n'a rien de glamour. Plutôt un banal Hilton peuplé de gens ordinaires. Qu'il s'agisse de Mia et Max, jeune couple superficiel en cavale qui s'invente un scénario chinois pour partir «dans le Sud»; de Claire et Paul, vieux couple blasé qui n'a plus rien à se dire mais qui ne parvient pas tout à fait à se quitter; d'Angel et Lou, qui sont sûrement les plus authentiques, mais qui se butent à l'héritage juif du jeune homme. Toutes ces histoires cherchent désespérément un dénouement.

La mise en scène de Geoffrey Gaquère est très fluide. Les trois histoires se superposent habilement, sans presque jamais se toucher. Il y a bien quelques liens qui se créent entre les personnages, mais sans vraiment altérer l'histoire de chacun des couples - qui occupent à tour de rôle (et concurremment, grâce à la magie des éclairages) les deux chambres d'hôtel aménagées sur la scène.

La pièce d'une heure et quart sans entracte est à la fois très rythmée et longue de questionnements, de malaises et de silences envoyés comme autant de ballons dans l'assistance. Le texte de Fanny Britt est à la fois lucide et touchant. La complexité et la profondeur des personnages n'alourdissent ni la langue (claire) ni l'histoire désespérée de ces trois couples en quête d'idéaux.

Un événement extérieur se mêle à tout ça. Le convoi d'un président américain en visite à Montréal. Un président porteur d'espoir, beau et courageux (je ne vois pas du tout de qui on parle...) et qui fait réagir nos trois couples. Jusqu'à quel point sont-ils sensibles à leur sort collectif, politique? Sont-ils capables de se détacher d'eux-mêmes, ne serait-ce qu'un instant? Un angle intéressant, mais qu'on évoque à peine et qui n'ajoute finalement pas grand-chose au récit.

La distribution est impeccable. Johanne Haberlin (Angel), dans son rôle d'employée de l'hôtel qui rejoint son amoureux (Patrick Hivon) dans les chambres libres, a une présence magnétique. Monique Spaziani et Benoît Dagenais (le plus vieux couple) sont très touchants dans leur détresse amoureuse. Le jeune couple interprété par Madeleine Péloquin et François Bernier se tire aussi très bien d'affaire. M. Bernier, parfois inégal, mérite une mention spéciale pour sa sortie de scène, hilarante.

Finalement, Fanny Britt dénonce avec beaucoup d'éloquence le manque de courage d'être qui l'on est véritablement, l'absence de pensée critique et le carcan de la société qui dicte notre pensée et nos actions. Impossible, pourtant, de ne pas sourire et même rire de ses personnages. Peut-être parce qu'on se reconnaît un peu en eux et que, parfois, il vaut mieux rire que pleurer...

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Hôtel Pacifique, du Théâtre Debout. À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 28 mars. Info : www.theatredaujourdhui.qc.ca