On ne se réveille pas en chantant, ces jours-ci, en lisant les nouvelles économiques. On ne le faisait pas non plus pendant le krach financier de 1929, période à laquelle se déroule la pièce Réveillez-vous et chantez! du dramaturge américain Clifford Odets, présentée par le Théâtre de l'Opsis dans le cadre de son cycle États-Unis. L'histoire se répète... pour le pire et, parfois, pour un peu de meilleur.

À quoi tient le hasard? Il y a deux, trois ans, quand elle travaillait à l'élaboration du cycle États-Unis pour le Théâtre de l'Opsis, Luce Pelletier choisissait de mettre en scène en 2008-2009 d'abord une adaptation théâtrale de Le bruit et la fureur de William Faulkner, puis la première version française d'une pièce de Clifford Odets, Awake and Sing!,

 

À l'époque, rien n'annonçait ni l'élection de Barack Obama (qui a eu lieu la veille de la première de Le bruit et la fureur, qui a pour pivot le racisme dans le sud des États-Unis!), ni la crise financière magistrale que nous traversons actuellement... et qui est le cadre dans lequel se déroule la pièce d'Odets!

«Dire que ça faisait vieillot, il y a un an, l'idée de monter Clifford Odets, s'exclame d'ailleurs la metteure en scène, et qu'elle n'est finalement pas si démodée que ça!» Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas difficile à monter: «C'est écrit d'une façon très naïve, explique-t-elle, avec des personnages qui sont des archétypes, très carrés. Et c'est surtout une pièce qui croit profondément au marxisme! C'est pour cela qu'il n'y avait pas moyen d'adapter la pièce au contexte québécois: elle doit nécessairement se passer à New York en 1930, dans une famille juive, chez des ouvriers qui ne parlent pas le joual. Ça tombe bien, j'ai beaucoup de difficulté à penser qu'il faut tout ramener à Alma...»

Une façon rigolote de dire qu'une pièce peut aussi nous toucher même si elle se déroule ailleurs qu'ici, à une autre époque. Par exemple, celle où le chant L'internationale (dont est tiré le titre de cet article) servait d'hymne à la classe prolétaire. Mon Dieu, ça fait combien de temps que je n'ai pas écrit le mot «prolétaire» ? «Justement, relève Luce Pelletier, ce dont il faut peut-être se rappeler, c'est que les années 30 croyaient au marxisme, mais aussi au syndicalisme. Et si le marxisme n'a pas fonctionné, le syndicalisme a permis, lui, que les enfants cessent de travailler, que les gens aient un horaire de travail décent, qu'ils aient des vacances payées, etc. Ça a changé des choses. Une crise, ça permet de changer les choses.»

C'est la première fois qu'Odets est monté en français (par les bons soins de l'excellente Fanny Britt). Le lieu commun veut qu'Odets soit en quelque sorte un Tchekhov américain. Qu'en est-il vraiment? «C'est assez juste et c'est même ce qui m'a attiré vers lui, explique Luce Pelletier. Comme chez Tchekhov, il n'y a pas d'histoire flamboyante, il ne se passe pas de grandes affaires, c'est plus modeste comme histoire et comme déchirements.» Si ces personnages ont un côté quasi-commedia dell'arte par leur allure quasi caricaturale - le grand-père marxiste, la mère autoritaire, le mari faible, etc. -, leurs préoccupations, elles, sont celles de tout un chacun: survivre, croire, assurer un avenir meilleur à sa descendance...

Réveillez-vous et chantez!, avec Henri Chassé, Albert Millaire, Jean-François Casabonne, Annick Bergeron, présenté par le Théâtre de l'Opsis du 3 au 28 mars, au Théâtre Prospero.