Des sous, il y en aura pour construire, rénover, agrandir. Il y en a aussi pour le «Nobel canadien» (les 25 millions des Prix du Canada). Mais pour sortir de la précarité les artistes de la scène ou soutenir ceux qui tournent à l'étranger, le dernier budget Flaherty ne dit rien de bon.

«Le constat est rapide et brutal. Le budget du gouvernement Harper ne prévoit aucune nouvelle mesure structurante pour la pratique artistique professionnelle des arts de la scène, aucun soutien pour l'aide à la tournée internationale et aucun investissement supplémentaire au Conseil des arts du Canada», décriait la semaine dernière le président du Conseil québécois du théâtre, Martin Faucher, par voie de communiqué.

 

Peu d'argent pour soutenir les artistes, malgré les investissements dans la brique prévus par le programme Espace culturel. Par exemple, La Licorne qui pourra enfin agrandir et rénover ses deux salles. Ou encore, l'annonce du lieu de diffusion Aux Écuries (projet autrefois nommé La Centrale), fruit de quatre ans d'acharnement de sept compagnies de la relève. Finalement, la Pire Espèce, le Théâtre I.N.K., Les Porteuses d'Aromates et autres artistes du théâtre émergent auront enfin un lieu à eux où se poser, répéter, faire de la recherche et diffuser.

De nouveaux murs, c'est formidable. C'est même essentiel pour encadrer la création. Vraiment, je n'ai rien contre. Sauf qu'en échange du programme Espace culturel qui favorise les projets d'infrastructure, les artistes sont orphelins des programmes qui soutenaient les tournées à l'international.

Le verdict est tombé: PromArt (4,2 millions) et Routes commerciales (2 millions), programmes dont on avait annoncé l'abolition l'automne dernier, ne seront pas remplacés. «Ce manque à gagner nuit d'ores et déjà gravement à la stabilité financière des organismes, qui sont contraints d'annuler des tournées, de couper leurs effectifs, de se placer en situation de déficit et, dans certains cas, de fermer tout simplement leurs portes», a déclaré la Conférence internationale des arts de la scène, dans un communiqué réagissant au budget Flaherty.

Pour des artistes comme Dulcinée Langfelder, la fin définitive des programmes n'est rien de moins que catastrophique. «Oui, le budget Harper nous met dans le pétrin. Si la situation ne se corrige pas, on sera obligés de demander des cachets hors prix, et personne ne voudra nous inviter», a souligné l'artiste multidisciplinaire, qui vit presque essentiellement de la tournée internationale.

Les cris du coeur des artistes pour que soient sauvés PromArt et Routes commerciales n'ont rien donné. Pour en rajouter, le gouvernement a fait volte-face avec les 25 millions injectés dans les Prix du Canada pour les arts et la créativité. En entrevue avec mon collègue Mario Cloutier, le président de l'UDA, Raymond Legault, déplorait cette façon de «récompenser plutôt que d'investir dans les arts et la culture.» On laisse mourir des artistes d'ici qui vivent de la tournée, pour mieux récompenser des compagnies étrangères. C'est à n'y rien comprendre.

Le Théâtre des Deux Mondes, avec Aux Écuries, tend la main (et prête ses locaux!) à une nouvelle génération d'artistes. De toute façon, comme la compagnie passe le plus clair de son temps en tournée, elle ne sera pas trop envahie par ces sept compagnies. Souhaitons maintenant que La Pire Espèce, Théâtre I.N.K. et les autres puissent vivre aussi longtemps. Et peut-être aussi tourner un peu.

Sur ces paroles, je prends une pause de théâtre. De retour à la fin mars.