Jean-Rock Gaudreault insiste: il n'est pas l'auteur «en résidence» de la compagnie Mathieu, François et les autres, fondée il y a 10 ans par Jacinthe Potvin. Et pourtant, la collaboration quasi ininterrompue de l'auteur et de la metteure en scène au cours des dernières années illustre bien la complicité qui les unit. Leur plus récente création, La migration des oiseaux invisibles, est présentée à la Maison Théâtre à compter de vendredi.

Ensemble ils ont produit Mathieu trop court, François trop long, - à l'origine de la création de la compagnie fondée par Jacinthe Potvin -, Deux pas vers les étoiles, Pour ceux qui croient que la terre est ronde... Et ce n'est pas fini, puisque d'autres projets sont déjà sur les rails. Chaque fois, le tandem officieux a fait mouche. Et connu le succès. Les tournées, au Québec et à l'étranger, ont suivi, naturellement.

 

Leur plus récente création, La migration des oiseaux invisibles, a été présentée en première aux Coups de théâtre, en novembre dernier. L'histoire d'amitié entre Sinbad (un passager clandestin) et Rat-d'eau (un matelot censé débusquer les passagers clandestins de son bateau) a tout de suite captivé le jeune public. Jean-Rock Gaudreault considère d'ailleurs La migration... comme l'un de ses textes les plus aboutis.

L'histoire de La migration... était «dans les cartons» de l'auteur depuis six ou sept ans. Le déclic s'est produit, raconte-t-il, lorsque les médias ont rapporté l'arrivée - à la nage - de deux passagers clandestins qui s'étaient jetés à l'eau pour gagner l'île d'Orléans afin d'éviter le contrôle des douanes. «Je me suis dit: quel geste! Quelle situation! Tous ces jeunes sans-papiers qu'on envoie ailleurs pour un avenir meilleur.»

Cette histoire de clandestins est donc le point de départ de La migration... «Parfois, je trouve que les pièces de théâtre jeune public sont tristes et graves, souligne Jean-Rock Gaudreault. Je ne voulais pas faire de documentaire, mais raconter, à partir d'un événement grave de l'actualité, l'histoire d'amitié de deux personnages à la recherche d'une vie meilleure. J'ai essayé de transposer la réalité de ces clandestins dans une fable accessible, à la fois drôle et porteuse d'espoir.»

Grave et ludique

Jacinthe Potvin, qui a signé la mise en scène de la plupart des textes de l'auteur, n'a pas hésité à «rembarquer» dans ce projet: «Je trouvais intéressant d'aborder un sujet grave, mais de façon un peu ludique, explique-t-elle en entrevue téléphonique (de Jonquière où elle monte une autre pièce de Jean-Rock Gaudreault: Une maison face au nord). Il y a dans l'écriture de Jean-Rock cet aller-retour entre la profondeur du propos et l'humour fin, intelligent, qui permet aux enfants spectateurs de se sentir brillants. Les enfants comprennent l'intelligence du texte, les clins d'oeil qu'on leur fait.»

Pour interpréter les personnages de Sinbad et Rat-d'eau, Jacinthe Potvin a fait le choix de mettre en scène deux femmes: Marie-Josée Forget et Marilyn Perreault. «Ces personnages s'inspirent de l'univers du conte, explique-t-elle. Ils ne sont pas sexués psychologiquement. Ils pourraient autant être des filles que des garçons. Mais c'est vrai que je tenais à ce que ces rôles soient incarnés par des filles. Parce que les personnages portent l'aventure, la force et le courage. Ils sont aussi très drôles. Et je trouvais intéressant que ce soient des filles qui vivent cette aventure et cette amitié-là.»

Confiance mutuelle

Jacinthe Potvin, qui a longtemps dirigé le Théâtre de Carton, et Jean-Rock Gaudreault, qui est également directeur des communications (pour Compétences Québec), savent tous deux qu'ils vont continuer de travailler ensemble. «J'espère que cette collaboration va se poursuivre, avoue Jean-Rock. J'aime les spectacles de Jacinthe. C'est difficile de décrire la chimie entre deux artistes qui travaillent ensemble. Mais nous avons atteint une maturité dans notre collaboration artistique et une confiance mutuelle qui, je crois, paraît sur scène.»

Après la Maison Théâtre, Mathieu, François et les autres présentera La migration... dans cinq villes de France, avant de représenter la pièce un peu partout au Québec. En attendant, malgré le succès de la pièce aux Coups de théâtre, l'auteur avoue avoir des papillons. «On a toujours des papillons avec le jeune public... Parce qu'il s'agit d'un public imprévisible. La préparation des jeunes est tellement importante. Quand ils ont été sensibilisés à ce qui va avoir lieu, les jeunes réagissent habituellement très bien. C'est ce que j'espère.»

La migration des oiseaux invisibles, de la compagnie Mathieu, François et les autres, à la Maison Théâtre du 30 janvier au 14 février. Pour les jeunes de 8 à 12 ans.