L'ingéniosité de Claude Lafortune ne fait aucun doute pour quiconque l'a déjà vu créer un monde avec une paire de ciseaux, quelques feuilles de papier construction et un peu de colle.

L'as du bricolage joue encore du ciseau dans Don Quichotte, mais ce n'est pas là sa principale tâche. Claude Lafortune raconte et incarne le personnage fantasque créé par Cervantès voilà plus de 400 ans.

 

L'artiste est déjà en scène avant que l'histoire ne démarre «officiellement». Pendant que les enfants prennent place sur des tapis installés juste devant l'aire de jeu, gentiment dirigés par le marionnettiste David Magny, il sculpte au ciseau des feuilles de papier qui viendront compléter un portrait de femme. La belle brune, c'est bien sûr sa chère Dulcinée.

Claude Lafortune porte une tunique semblable à une robe de chambre qui sied parfaitement à son personnage. Le drôle de chevalier inventé par Cervantès n'est-il pas d'abord un avide lecteur de romans de chevalerie qui se laisse emporter par son imagination? Une fois le décor planté et le cadre du récit installé, la métamorphose du personnage s'achève: Don Quichotte enlève sa tunique et révèle son armure de chevalier. Un vieux chaudron lui fait office de couvre-chef.

Don Quichotte part à l'aventure et c'est sans opposer de résistance qu'on lui emboîte le pas. Déjà transporté dans un monde imaginaire par l'inventif décor de Jean Bélisle, qui semble fait d'immenses feuilles de papier plié, on s'émerveille de la beauté des marionnettes conçues par Patrick Martel. Sa danseuse de flamenco est magnifique et son grassouillet Sancho Pança aurait l'air jovial même si son habile manipulateur, David Magny, ne lui insufflait pas ce dynamisme sympathique.

Le jeu du marionnettiste est d'autant plus remarquable qu'il compense pour les failles du principal interprète. Claude Lafortune a certes l'habitude du contact avec les enfants, mais moins celle du jeu. Son Don Quichotte est bien campé physiquement. Sa diction, qui manque de clarté, et son débit parfois précipité nuisent cependant à l'intelligibilité du texte. La trame narrative, réduite à l'essentiel, n'en souffre pas vraiment, mais l'univers serait mieux servi si le texte était mieux dit.

Juste pour rire indique que ce Don Quichotte s'adresse aux enfants de 5 à 11 ans. La mise en garde est avisée. Vu la densité du texte et le peu d'accent qui est mis sur l'interaction avec la foule, les plus petits s'impatienteraient facilement. Déjà, l'autre soir, les plus jeunes des spectateurs ne pouvaient résister à l'envie de toucher les accessoires - l'âne et la jument Rossinante sont irrésistibles, en effet - ou à récupérer les débris de papier pour en faire des boules... qu'ils relançaient sur scène.

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Don Quichotte, au Musée Juste pour rire, les samedis et dimanches à 11 h et 13 h 30.