Après sa Trilogie des flous, présentée récemment à l'Usine C, Daniel Danis en remet aux Coups de théâtre avec sa nouvelle proposition de théâtre-film Kiwi, premier volet d'un dyptique qui raconte la misère et l'espoir des enfants de la rue.

Daniel Danis est en perpétuelle démarche de recherche. Recherche de mise en scène, de performance et de concepts multimédias qui lui permettent d'explorer un «autre vocabulaire». Ses plus récentes créations sont toutes investies par la technologie. Ses collaborateurs de l'heure s'intéressent à la réalisation vidéo, à l'animation d'images de synthèse, à la spatialisation des sons...

 

Sa pièce Kiwi est la plus aboutie de ces expériences de théâtre-film qui allient arts et technologie. Elle a vu le jour pendant son séjour à Fresnoy (près de Lille en France) où il était, jusqu'à l'an dernier, professeur invité. «On se sert de l'instrumentation contemporaine pour avancer dans le langage du théâtre», explique Daniel Danis au cours d'un entretien. Au coeur du projet donc, la présence sur scène, en plus des acteurs, de deux monteurs et d'un caméraman.

«Dans Kiwi, on fait un film, précise Danis. Il y a deux acteurs sur la scène, ils sont dans le noir. Tout ce qu'on voit, c'est le résultat sur l'écran. La captation avec une caméra Night Shot fait en sorte qu'on ne voit pas le décor derrière, on voit juste des visages, des mains qui s'approchent, qui s'en vont. Ce jeu-là est très théâtral et révèle les acteurs autrement.»

Kiwi est le nom de son héroïne. Qui vit dans la rue avec son compagnon Litchi. Leur vie sera bousculée par une opération de nettoyage pour faire place aux Jeux olympiques... C'est, pour l'essentiel, le scénario de Kiwi, nouveau drame humain du plus français de nos dramaturges québécois, qui vit à la fois en France et au Québec.

L'idée de donner des noms de fruits aux personnages n'est pas un hasard. L'auteur, qui assure la mise en scène de son texte, explique que ses personnages ne pouvaient avoir de noms humains «tout simplement parce qu'ils ne sentent pas qu'ils appartiennent à la communauté humaine. Ils auraient pu porter des noms d'animaux», note-t-il.

Malgré la gravité du propos de Kiwi, Daniel Danis y voit quand même un récit porteur d'espoir. «Peu importe dans quelle noirceur on se trouve, c'est possible de se construire une maison, qui est une métaphore de soi-même, de la construction de l'être.»

Présentée à Lille il y a un an, puis au Off du festival d'Avignon l'été dernier, la pièce de Danis entamera une tournée en France et en Roumanie, notamment. Hasard ou coïncidence, Kiwi a remporté il y a quelques jours le prix Louise-LaHaye, remis par le Centre des auteurs dramatique (CEAD) pour la relève en écriture dramatique jeune public.

Un texte sorti d'un tiroir...

La première version de Kiwi a été écrite en 1996, dans la foulée de Chant du Dire-Dire. Daniel Danis écrit alors un texte qui prend la forme d'un récit théâtre. Inspiré d'un article sur la surpopulation d'enfants dans les prisons roumaines, il crée une galerie de personnages qui vivent dans la rue. C'est le point de départ de cette création qui sera d'abord présentée à la radio au tournant des années 2000.

Son projet se concrétise grâce à sa rencontre en 2004 avec Benoît Dervaux, cadreur et chef opérateur des frères Dardenne (notamment sur les films La promesse et Le fils). Danis, qui s'inspire souvent de ses rêves, lui propose de travailler avec une caméra à vision nocturne. Une technique qui fait que les spectateurs ne voient pas les acteurs sur scène, mais leur image projetée sur écran.

«Le sujet était en parfaite adéquation avec la forme que je voulais explorer - deux enfants qui traînent dans la rue, qui sortent à la noirceur. Qui sont comme des bêtes qu'on traque dans la forêt pour observer leur comportement. Après les premiers essais, on s'est dit: ça marche à mort et c'est beau!»

Pour compléter le tableau, Daniel Danis travaille sur un autre texte qui s'intitule Yukie (deuxième volet du dyptique). L'histoire se passe au Japon et raconte le parcours d'une fille à la recherche de ses six clones, éliminés au fur et à mesure par un tueur à gages. Contrairement à la boîte noire dans laquelle évolue le personnage de Kiwi, l'histoire de Yukie se passera dans une boîte blanche, car elle sera illuminée comme dans un studio. La boucle sera, pour ainsi dire, bouclée.

Kiwi de Daniel Danis, les 26 novembre, 17h, et 27 novembre, 10h, à l'Usine C. À partir de 13 ans.

 

À VOIR

Variations mécaniques, de la compagnie Le fils d'Adrien danse. Spectacle de danse ludique. À l'Usine C aujourd'hui et demain à 14h. À partir de 5 ans.

Petit pois, d'Agnès Limbos. Un clown se penche sur les origines d'un petit pois dans un chou-fleur... À l'usine C demain, à 11h, et les 24, 25 et 26 novembre, à 10h. À partir de 4 ans.

Oz, de la compagnie Vox Théâtre. Adaptation libre du Magicien d'Oz. À la Cinquième Salle de la Place des Arts demain, à 13h (en français). Aujourd'hui, à 15h, et le 24 novembre, à 13h (en anglais). À partir de 5 ans. La pièce sera également présentée à la Maison Théâtre du 7 au 25 janvier.

Un malheur de Sophie, les petits poissons. Inspiré des textes de la Comtesse de Ségur. À l'Usine C les 24 et 25 novembre, à 13h, et les 29 et 30 novembre, à 11h. À partir de 8 ans.