À quelques jours de la première de Bob - événement «phare» du 40e anniversaire du Théâtre d'Aujourd'hui - ils sont trois à me décrire cette touffue pièce chorale signée René-Daniel Dubois. Le metteur en scène René Richard Cyr, avec les comédiens Benoît McGinnis et Étienne Pilon, me parlent de la «fulgurance» de cette colossale affaire. Du romantisme. De la quête d'absolu. D'humains qui brûlent de vie.

Dans le coin gauche, il y a Bob (Étienne Pilon). Un trentenaire devenu messager à vélo après avoir fait une croix sur l'art. L'école de théâtre l'a fait déchanter du théâtre, l'a amené à renoncer à son rêve de devenir comédien. Et puis, dans le droit, il y a Andy (Benoît McGinnis), un musicien qui enfouit dans des tiroirs les airs qu'il compose.

 

Un jour, bang!, ils entrent en collision sur leur bécane. Puis tout bascule.

En filigrane avec le coup de foudre entre deux jeunes gens - l'un est hétéro, l'autre est gai - le destin d'un troisième personnage occupe une place déterminante de l'intrigue. Madame Fryers (Michelle Rossignol), une actrice disparue du circuit depuis plusieurs années, léguera à Bob sa foi en l'amour, la magie et l'art.

«Elle va lui raconter comment elle est passée à côté de l'amour de sa vie», révèle Étienne Pilon, qui nous avait éblouis dans la mise en scène de Claude Poissant de Je voudrais me déposer la tête, de Jonathan Harnois. «Madame Fryers dit à Bob que quand il se passe quelque chose entre deux êtres humains, il faut y aller. Peu importe si elle est grosse, laide, si c'est un gars, si elle est trop vieille ou s'il est trop jeune», ajoute René Richard Cyr.

Entre quatre yeux, la vie

«Depuis le début du travail sur Bob, je me plais à dire que l'art moderne vise à entrer en contact avec l'autre», confie René Richard Cyr, le maître d'oeuvre de cette complexe architecture. Des extraits lus. Des projections. Des parties seulement entendues. D'autres jouées dans le noir. Des flash-backs. Une couche de cellophane en guise de quatrième mur. Et surtout, un romantisme absolu qui «cohabite avec 1001 indignations politiques et sociales», précise-t-il.

«Mon défi a été de renouveler l'écoute du spectateur. Parce que ce n'est pas une machine à la Robert Lepage. C'est de la parole. Mais tout cela demeure d'une grande fluidité et limpidité.»

Bob a pris racine au début des années 90, dans l'esprit de l'auteur de Being at home with Claude. Dubois l'a mis de côté en 1999, puis a repris l'écriture en 2003. «René-Daniel me fait peur, tellement il est brillant. Mais en même temps, il est d'une fraternité extraordinaire», confie le metteur en scène.

Pour livrer sur la scène du Théâtre d'Aujourd'hui cette partition d'une durée de 3h30 pour trois acteurs et un choeur, René Richard Cyr s'est remarquablement bien entouré. Fidèle au poste, Benoît McGinnis - qui a été dirigé par Cyr dans Le vrai monde?, Là?, Avec Norm, Frères de sang - a embarqué dans l'aventure. Mais Bob propulsera vraisemblablement Étienne Pilon au firmament des «acteurs étoiles d'une génération.» «Il est encore plus formidable que dans Je voudrais me déposer la tête», soutient René Richard Cyr.

Avec des noms aussi illustres que Robert Lalonde, Christiane Proulx, Agathe Lanctôt ou Frédéric Blanchette, on présume que ce «choeur» ne serait pas fait de figurants effacés dans le décor. «C'est extraordinaire de travailler avec des grosses gangs, un réel privilège de travailler avec 13 acteurs», reconnaît René Richard Cyr, ajoutant que ces dix membres du choeur s'impliquent tous, font avancer l'histoire.

«Certains spectateurs vont regarder cela en se disant «ils sont donc bien intenses!» La première fois que j'ai lu ce texte, j'ai été soufflé par la nécessité intérieure que portait cette écriture. René-Daniel Dubois nous dit que dans la vie, si t'as un talent, tu as le devoir de le faire fructifier. S'il n'avait pas écrit ça, il serait mort.»

Un théâtre de nécessité. Et la rencontre, la recherche du regard de l'autre pour se sentir moins seul. Et le courage de choisir de vivre.

Bob, de René-Daniel Dubois, dans une mise en scène de René Richard Cyr, au Théâtre d'Aujourd'hui du 28 octobre au 30 novembre.