Deux tours qui explosent. Des images qu'on a vues 2001 fois depuis sept ans. Un événement historique sempiternellement analysé, expliqué, disséqué. De la théorie du complot aux hypothèses sur la «cachette» de ben Laden, on a tout dit sur le 11 septembre.

Mais alors que des grues besognent toujours sur le site de Ground Zero, les récits personnels de ceux qui ont vécu de l'intérieur l'hécatombe, doivent à leur tour être entendus. Sept ans de deuil, pour une tragédie de cette envergure, c'est peu.

 

Le jeune auteur new-yorkais Andrew Dainoff était dans son appart du Chinatown, le matin du 11 septembre 2001. Dans sa pièce Ceux que l'on porte, il recolle de façon semi-autobiographique les morceaux d'une période de sa vie où tout a éclaté.

David (touchant Félix Beaulieu-Duchesneau), le narrateur de la pièce - parce que Ceux que l'on porte est davantage un récit qu'un échange théâtral -, est un musicien venu s'installer à New York après sa rencontre avec Sally (exquise Anne-Élizabeth Bossé). Un amour naissant, passionnel, fougueux, physique. Une liaison pleine de promesses, avortée lorsque la belle serveuse d'un resto du World Trade Center périt en même temps que 3000 de ses compatriotes.

Et commence la chute.

À l'avant d'une scène animée par des musiciens dissimulés derrière un rideau (beau choix du metteur en scène Vincent-Guillaume Otis), Beaulieu-Duchesneau raconte la série de cataclysmes qu'est devenue sa vie, après septembre 2001. Une prestation exigeante, que le jeune comédien exécute avec précision et sobriété. Il évoque la disparition d'un ami assassiné. Celle d'un amant de passage atteint du sida. Et surtout, une impression palpable d'éphémère chez ce New-Yorkais d'adoption, qui en compagnie de ses congénères, s'accroche à l'alcool pour tenir le coup.

Vincent-Guillaume Otis réalise ici une mise en scène très accrocheuse, sur les plans visuel et auditif. À plusieurs moments, on a l'impression de se retrouver dans une performance de Spoken Word.

Des lourdeurs...

Or, peut-être aurait-il fallu dans ce cas couper dans le texte de Dainoff, et le libérer ainsi de ses lourdeurs. Parce que s'il a eu la générosité de livrer un pan intime de son histoire personnelle, ce jeune auteur fait preuve d'une certaine maladresse dans sa reconstitution des faits.

La psychologie des personnages n'est qu'effleurée, plusieurs situations sont résumées comme une liste d'épicerie. Mais en revanche, sa description de la plongée de David dans l'enfer de l'effondrement des tours jumelles est palpable. Et il réussit parfois à nous entraîner dans sa tête, avec des fragments de souvenirs, des impressions d'une période de sa vie très intense.

En d'autres termes: parfois ça colle, mais on perd aussi à l'occasion le fil de cette histoire qui explose en plusieurs fracas.

Reste la signature très personnelle et prometteuse de cette belle équipe d'acteurs et concepteurs réunis sous la direction de Vincent-Guillaume Otis.

On perçoit un réel vent de fraîcheur dans cette pièce qui fait se croiser les souvenirs d'un New-Yorkais et d'un Montréalais. Qui tous les deux, avaient 20 ans, le 11 septembre 2001.

________________________________________________________________________________________

Ceux que l'on porte, d'Andrew Dainoff, mise en scène de Vincent-Guillaume Otis, une production du Théâtre PÀP, jusqu'au 8 novembre dans la salle 2 de l'Espace GO.