Le 11 septembre. La peur de l'attentat terroriste. L'incertitude. En ces temps d'hécatombe boursière, on a l'impression que ces obsessions appartiennent à une époque révolue. À La Licorne et l'Espace GO, deux pièces (une anglaise, l'autre américaine) proposent des lectures diamétralement opposées d'un même thème: la survivance, après les ravages des attentats.

Dans Après la fin, l'auteur anglais Dennis Kelly érige une métaphore de la peur, de la fermeture des frontières, en situant l'action de sa pièce dans un bunker. Encabanés dans cet abri, au lendemain d'une attaque nucléaire, un homme et une femme s'autodétruisent dans une promiscuité forcée, motivés par leurs seuls instincts de survie. «Une métaphore du couple», me disait Sophie Cadieux, en entrevue cette semaine. Mais aussi, comme le mentionnait la comédienne, une observation cynique de la crainte du terrorisme, de la fermeture des frontières, qui serait peut-être la plus destructrice des armes.

 

Ceux que l'on porte, du jeune auteur new-yorkais Andrew Dainoff, dépeint aussi la vie d'un «bunker», au lendemain d'un attentat. Son abri à lui, c'est la ville de New York, où s'est installé un climat de fraternité, de solidarité dans les mois qui ont suivi le 11 septembre.

Chez Dainoff, la douleur passe par une description dans le détail et l'intime d'un événement qui appartient désormais à tout le monde. Tandis que Kelly fouille le côté pervers et égoïste de l'instinct de survie.

Deux côtés d'une même médaille qui font leur entrée en scène en même temps. Coïncidence? J'aurais plutôt tendance à croire à un complot...

Désordre public

Paraît que c'est «très trash», Après la fin. En entrevue, je discutais avec Sophie Cadieux de la ligne très mince entre le «trop loin» et la nécessaire «impudeur.» «Parfois, il y a des shows de tout nu qui font du bien à voir. Mais il y a aussi des vacarmes qui ne me touchent pas», évoquait la comédienne, qui s'exprime avec éloquence.

J'ai songé à Blasté de Sarah Kane, mis en scène la saison dernière par Brigitte Haentjens. Un spectacle d'une grande dureté, qui n'a pas fait l'unanimité. Cette oeuvre m'habite encore, même si je ne peux pas dire que je l'ai aimée. Mais peut-on vraiment aimer ce qui nous envoie au tapis?

Et puis, on annonçait cette semaine la mort du projet de loi C-10, qui aurait privé les oeuvres «contraires à l'ordre public» de leurs crédits d'impôt. Je n'ose même pas imaginer les ravages potentiels d'une telle ligne de pensée sur le théâtre et la danse. Avec en main une telle arme de censure, Josée Verner aurait-elle ordonné aux danseurs de Dave St-Pierre d'aller se rhabiller? Et qu'aurait-elle pensé de l'abrasif Vu d'ici de Mathieu Arsenault (mis en scène par Christian Lapointe), une pièce pamphlétaire où un comédien se livre en solo à un vomissement de mots contre l'abrutissement des citoyens apolitisés et hyper-consommateurs.

Une pièce qui, au demeurant, ne m'a pas du tout plu. Mais qui doit absolument avoir le droit d'exister.

COURRIEL

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