Au Rideau Vert, le soir de la première de La vie devant soi, nous étions certainement plusieurs à espérer le meilleur. Roman inoubliable qui a valu le Goncourt à Romain Gary/Émile Ajar en 1975, La vie devant soi est riche en personnages colorés. Évidemment, Xavier Jaillard, qui en signe l'adaptation théâtrale, a dû épurer l'histoire, n'en retenir que l'essentiel.

Du récit situé dans le quartier Belleville des années 1960, il reste donc le lien entre Mohammed (Aliocha Schneider), jeune Arabe de 13 ans, et sa mère adoptive, Madame Rosa (Catherine Bégin), ex-prostituée qui l'a pris sous son aile à l'âge de 3 ans. La plus grande partie de la pièce est située dans l'appartement de Rosa, où ces deux personnages qui s'aiment tendrement partagent leur vie et causent de tout: de la religion à la prostitution, en passant par les souvenirs de l'Holocauste de Rosa et les rêves de Momo.

 

L'humour du roman original a survécu, tout comme la tendresse sincère qui s'est installée entre ces deux êtres au destin chaotique. Le jeune Aliocha Schneider est convaincant en Momo, même s'il semble un peu trop âgé pour le rôle. Quant à Catherine Bégin, elle transmet le caractère opiniâtre et tendre de Madame Rosa.

Mais l'histoire perd de son intérêt en raison d'une mise en scène éculée, d'une scénographie inutilement chargée et de personnages secondaires pâles. Faut-il vraiment recourir à une vidéo d'une scène dans un café - filmée dans les années 2000! - pour recréer une atmosphère parisienne? Est-il bien avisé de «déguiser» Pascal Rollin en juif orthodoxe (avec barbe et boudins) pour recréer le personnage de Dr Katz?

D'ailleurs, pourquoi ne pas avoir fait appel à des comédiens d'origine algérienne pour camper les rôles de Momo et de son père Youssef?

Ce moment passé au Rideau Vert n'est pas désagréable. Un peu long, peut-être, avec des scènes qui s'enchaînent sur une musique téléromanesque, qui convient mal au contexte de la pièce. Incidemment, en cette période où des films comme La graine et le mulet interpellent le grand public en recréant avec authenticité une famille franco-arabe, cette production de La vie devant soi semble figée dans un passé révolu.

Pas que l'on ne puisse s'émouvoir de la rencontre entre une dame juive et un jeune garçon d'origine musulmane. Bien sûr, ces questions fondamentales demeurent. Mais le théâtre, tout comme le cinéma, a besoin de passer à autre chose, d'être de son temps.

Malheureusement, La vie devant soi n'échappe pas aux clichés et à une vision désuète de la rencontre entre les communautés culturelles. Dommage.

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La vie devant soi, adaptation théâtrale du roman de Romain Gary par Xavier Jaillard, au Théâtre du Rideau Vert jusqu'au 23 octobre.