Le palier est vraiment le genre de pièce que l'on souhaite aimer, avant même que ne soit prononcée sa première réplique. Pour son propos: la rencontre et l'amitié improbables d'une quinquagénaire fraîchement divorcée avec un cégépien paumé. Et pour la sobriété de sa forme: avec un immeuble à appartements du centre-ville en guise de toile de fond, il s'agit de l'histoire toute simple d'un lien qui se crée entre deux solitudes.

Texte pour deux acteurs né de la plume de Réal Beauchamp et Jean-Guy Côté, Le palier est avantageusement mis en scène par Frédéric Dubois. Sur la scène de La Licorne, est reproduit ce fameux palier qui relie les appartements de Julie (Marie-Ginette Guay), 57 ans et Nicolas (Lucien Ratio), 20 ans. C'est là qu'ils s'y croisent, font connaissance, célèbrent ensemble Noël et deviennent solidement liés.

 

Leurs personnages, Beauchamp et Côté les ont voulus réalistes, pas forcément tragiques. La vie a fait qu'ils se sont retrouvés seuls pour affronter leur destin. Il ne faut pas pleurer sur leur sort, même s'ils n'ont pas remporté le gros lot à la loterie du destin. Lui, jeune gratteur de guitare qui se cherche, a passé son enfance balloté d'un foyer d'accueil à un autre. Elle s'est accomplie dans son emploi dans le milieu de la santé. Mais personnellement, ce fut moins rose: une union rompue avec un homme qui ne l'a jamais aimée. Une fille épanouie, mais exilée de l'autre côté de l'Atlantique. Et un fils artiste qui ne veut plus rien savoir d'elle. Et son malheur ne s'arrêtera pas là.

C'est beau, ce message d'espoir sur la possibilité de tisser un pont au-dessus du fossé générationnel. Mais le problème avec Le palier, c'est que la pièce a les défauts de ses qualités. En voulant dépeindre le malheur ordinaire, elle finit par verser dans le banal, le «message d'intérêt public». Sa conclusion devient alors terriblement prévisible. C'est ce que l'on ressent, en entendant Julie résumer le récit de son mariage manqué. Ou en écoutant le monologue de Nicolas sur sa triste expérience des foyers d'accueil.

Et puis il y a ce lien, entre les deux personnages, maladroitement amené, qui survient trop rapidement et s'avère finalement peu crédible. Ces deux personnages d'écorchés s'apprivoisent trop facilement, de sorte que l'on a du mal à croire en la profondeur de leur lien.

Reste qu'il y a de très belles choses, dans cette production de la compagnie Tandem, d'Abitibi-Témiscamingue. À commencer par la lumineuse présence de Marie-Ginette Guay, qui rend avec chaleur et humanité un rôle qui manque parfois de nuance. La mise en scène de Frédéric Dubois, très dynamique, nous transporte dans le quotidien de ces deux êtres.

Tranche de vie parfois touchante qui fait parfois penser à un téléroman, Le palier est une agréable heure et demie en présence de deux personnages dont on n'arrive jamais à saisir l'humanité et la complexité. Un portrait à gros traits du quotidien.

Le palier, de Réal Beauchamp et Jean-Guy Côté, mise en scène de Frédéric Dubois, jusqu'au 4 octobre à La Licorne.