Il est à l'origine de la coalition d'humoristes qui a fondé le Grand Montréal Comédie Fest. Son moment: La création du Grand Montréal Comédie Fest.

«C'était le plus bel automne de ma vie. Je me remettais en forme, j'allais marcher tous les jours trois ou quatre heures dans le bois, je prenais des notes, j'étais en train d'écrire un long métrage. C'était un automne spécial parce que je faisais le deuil de ma série Les pêcheurs, qui est en ondes depuis cinq ans et qui a été tellement importante pour moi. Mais je me sentais en pleine forme et capable d'attaquer de nouveaux projets. 

«Ce matin-là, il faisait moins beau, alors j'ai décidé d'aller nager. Je roulais en voiture et, à la radio, il y avait le reportage de Monic Néron et Émilie Perreault. J'ai arrêté l'auto et j'ai écouté les témoignages des filles. J'entendais des amies raconter des agressions commises chez Juste pour rire, qui a longtemps été mon lieu de travail. J'ai grandi au sein de ce festival, qui était le seul, au début, à avoir les moyens de me permettre de faire des spectacles avec mon groupe d'humour.

«Parmi ces filles qui témoignaient, il y avait des amies comme Julie [Snyder] et Pénélope [McQuade]. Et il y a une fille qui est presque ma petite soeur. Je l'ai connue quand j'étais moniteur dans un camp de vacances: elle avait 14 ans, j'en avais 17. J'ai toujours été protecteur à son endroit. Pas besoin d'avoir des relations pour avoir de la compassion pour les victimes, mais disons que ça ajoute une couche à ce qu'on peut ressentir.

«Je ne fais pas un métier qui me permet d'intervenir sur la place publique quand je suis témoin d'une injustice, quand il est question de politique, de l'UPAC ou de choses comme ça. Je tweete quelque chose, mais ça n'a aucun impact. Tout à coup, il y a une injustice profonde qui touche mon milieu, et c'est comme si la solution était là, devant moi. 

«Je n'ai pas l'excuse qu'on a souvent dans ces moments-là - je suis trop occupé, je travaille, etc. - et qui fait qu'on ne s'implique pas. C'est arrivé à un moment de ma vie où je l'avais, le temps.»

«Donc, ce matin-là, j'ai écouté les témoignages à la radio, puis j'ai appelé Daphné, ma blonde, qui est aussi ma complice et avec qui je travaille. On s'est dit la même chose: ‟Qu'est-ce qu'on fait?"

«Ce que j'ai vécu dans les premiers jours, c'est une émotion que j'ai transformée en action. J'ai trouvé odieux que le Montréal économique s'empresse de parler d'acquisition, sans se demander à qui irait l'argent. Je trouve que c'est un débat de société qu'on a vite balayé sous le tapis. Et c'était une grosse insulte pour les victimes, qui l'ont d'ailleurs ressenti ainsi.

«Ce matin-là, je suis allé faire des longueurs, j'ai réfléchi et j'ai appelé mes chums: Réal Béland, Cathy Gauthier, Guy A. Lepage... 

«On avait le choix: on était passifs et on attendait que Juste pour rire soit acheté, que ça rapporte énormément d'argent à Gilbert qui allait sans doute se virer de bord et payer des avocats pour contre-interroger nos amies. Ce serait laid... L'autre choix, c'était de lancer l'idée sur la place publique que tout ça peut exister autrement, qu'on peut avoir un métier sain dans un contexte sain.»

«Notre coming-out allait certainement lancer un débat. On verrait comment les gens allaient se positionner. Je dois avouer qu'il y a bien des réactions qui ont été décevantes et révélatrices de qui sont vraiment les gens. Il y a des partenaires d'affaires de Rozon et des femmes du milieu de l'humour qui m'ont déçu et qui, à mes yeux, ne font pas partie de la solution.

«J'entends des hommes d'affaires dire sur la place publique qu'ils veulent parler à la coalition des humoristes, mais je n'ai pas reçu leur message, ni sur ma boîte vocale ni sur Twitter. Je suis pourtant le gars le plus facile à rejoindre ces temps-ci. Il n'y a pas grand-monde dans la ville de Montréal qui n'a pas mon numéro. Or, je lis dans les journaux qu'il y a des gens qui seraient intéressés à discuter avec nous. Veulent-ils avoir l'air de ceux qui s'intéressent à la coalition pour pouvoir s'asseoir avec nous, une fois qu'ils auront acheté Juste pour rire et donné des millions à Gilbert?

«J'aurais aimé que la communauté d'affaires de Montréal se positionne et dise: ‟Nous aussi, on est du côté des femmes." Ils ont raté une belle occasion. J'aurais aimé que Gilbert remette les clés de son entreprise et qu'il parte. Qu'il fasse un homme de lui. Mais ça n'arrivera pas, c'est un homme malade. Pour l'instant, il organise des soupers à Paris pour raconter ‟sa" version des faits. Si quelqu'un perd son emploi à Juste pour rire, ce ne sera pas à cause des humoristes, ce sera à cause de Gilbert, et j'espère qu'il vendra ses nombreuses oeuvres d'art pour payer le salaire de ses anciens employés.

«Il y a beaucoup de gens décevants dans cette histoire, mais il y a aussi beaucoup de gens lumineux, des gens de conviction qui se sont révélés à travers tout ça. Moi, j'ai l'impression d'être poussé par un mouvement, j'ai vraiment l'impression d'être bénévole dans un mouvement qui a commencé bien avant moi.»