Le temps d'une soirée, des fans français ont pu emprunter la machine à remonter le temps et applaudir Claude François, Dalida, Mike Brant et Sacha Distel, en hologrammes. Une première mondiale bluffante mais aussi frustrante avec des retrouvailles parfois trop virtuelles.

Palais des Congrès de Paris. Après une attente savamment orchestrée, Claude François débarque sur scène, accompagné des Clodettes. Il entonne Cette année-là, chorégraphie à l'appui, avant de donner des indications aux machinistes.

Suivront une douzaine de succès des années 1970 dont Gigi l'amoroso (Dalida), Qui saura (Mike Brant) ou Toute la pluie tombe sur moi (Sacha Distel), avec une attention portée aux costumes et des chorégraphies inventives.

«Quand je l'ai vu, ça m'a fait quelque chose», raconte Véronique Tudela, 51 ans, une fan de Cloclo qui a assisté à l'avant-première de Hit Parade, un spectacle qui démarre jeudi à Paris avant de partir en tournée à partir d'avril en France, en Suisse et en Belgique.

«Mais j'avais envie qu'il se rapproche, J'étais frustrée», reconnaît-elle.

En cause: la distance entre les hologrammes des stars, au dernier plan de la scène, et le public demandeur d'interaction pour aller plus loin que les albums de reprises, les films biographiques, les émissions spéciales à la gloire de leurs idoles ou les spectacles de sosies.

«C'est toute l'ingratitude de cette technologie, on en voudrait encore plus», résume Thierry, le mari de Véronique, pour qui le public intègre au fur et à mesure «les limites» de ce spectacle d'un nouveau genre.

Comme une émission de télé

Pour faire revivre ce carré d'as des années 70, qui totalise 250 millions d'albums vendus, les équipes ont fait appel au studio français Mac Guff (à l'origine du film Despicable Me et des Minions, les petits personnages jaunes).

Deux technologies ont été utilisées: le «motion capture» pour recréer des visages en trois dimensions et une doublure pour le corps, grâce à des sosies aux mêmes mensurations que les artistes disparus. À cela s'ajoute le recours à des caméras de très haute définition, permettant une qualité douze fois supérieure à celle d'un film.

Coût de l'ensemble: près de 6 millions d'euros et un travail de titan sur plusieurs années pour assurer cette première mondiale. Jusqu'ici, les spectacles avec des hologrammes s'étaient en effet limités à de brèves séquences, le temps d'une chanson, comme avec Michael Jackson.

«C'est très bien fait, on n'arrive pas à voir le vrai du faux» lors des numéros où des hologrammes se mêlent à des danseurs en chair et en os, estime Katia Cygankiewicz, 35 ans, venue à l'avant-première avec sa mère. Mais «on ne sait pas trop si on est à un concert ou au cinéma». En tout cas, pas un spectacle vivant, souligne-t-elle.

Si les hologrammes chantent, dansent et parlent, dans ce spectacle qui se déroule en 1975, ils restent en effet très virtuels, malgré la mise en scène permettant des ponts entre leur univers et la scène où se mêlent acteurs et danseurs.

Grande fan de Dalida, Céline Papin, 41 ans, se pose moins de questions et apprécie d'être comme dans une émission télévisée de Gilbert et Maritie Carpentier. «Nous n'avons jamais vu ces artistes (sur scène) donc on a l'impression de remonter le temps», indique-t-elle.

Concerts et hologrammes: beaucoup de projets, peu de réalisations

Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir mettre sur scène des chanteurs disparus grâce à des hologrammes, à l'instar du spectacle Hit Parade en France, mais les projets sont rares à se concrétiser.

Signe que les choses avancent lentement, cinq ans après le concert du rappeur américain Tupac, décédé en 1996, sur l'une des scènes du festival Coachella, en Californie, cette prestation demeure la référence du genre.

L'apparition d'un hologramme du défunt Michael Jackson sur la scène des Billboard Music Awards, en 2014, avait aussi fait grand bruit, mais depuis, l'excitation autour du concept est largement retombée aux États-Unis.

D'autant que les hologrammes ont raté, au printemps, un rendez-vous important avec le grand public.

Fin mai, la chaîne américaine NBC voulait mettre sur pied un duo entre la chanteuse Christina Aguilera, bien vivante elle, et Whitney Houston, morte en 2012, dans le cadre du téléréalité The Voice.

Mais après avoir vu la séquence filmée, les proches de Whitney Houston ont souhaité qu'elle ne soit pas diffusée, estimant que l'hologramme n'était «pas prêt».

Des extraits de la séquence ont depuis circulé sur internet et montrent un hologramme au visage plus proche de celui d'une doublure que de la célèbre interprète de I Will Always Love You.

«La technologie n'a pas pu être à la hauteur du talent que possédait Whitney», a alors commenté Christina Aguilera, un camouflet pour Hologram USA, la société qui assurait le volet techique du projet.

Hologram USA prévoit toujours une tournée de concerts de Whitney Houston en 2017, après avoir initialement évoqué 2016. Contactée par l'AFP, la société n'a pas donné suite.

Outre Mac Guff, le studio français derrière Hit Parade, et Hologram USA, un autre acteur a fait état d'un projet de grand spectacle musical autour de l'hologramme d'Elvis Presley.

Aucune date n'a été fixée pour la présentation de ce spectacle, mais Pulse Evolution, qui porte le concept, a reçu, en mars 2016, un coup de projecteur bienvenu avec l'annonce d'un partenariat avec le producteur britannique Simon Fuller (les émissions Pop Idol et American Idol notamment).

Simon Fuller travaille d'ailleurs également avec Universal à un programme en réalité virtuelle autour du groupe suédois Abba, qui est personnellement impliqué dans le projet.